En l'espace d'une semaine, le livre a fait l'actualité, non seulement sur le plan culturel mais aussi politique et économique, volant la vedette à plusieurs autres questions de l'heure. Au niveau politique, avec l'annonce de la candidature de l'écrivain Yasmina Khadra à l'élection présidentielle de 2014, en marge de la 18e édition du Salon international du livre d'Alger (SILA). Sur le plan économique, avec l'engouement de plus en plus important pour le marché du livre en Algérie, comme l'ont montré la forte participation des éditeurs étrangers à ce salon, l'arrivée de nouveaux éditeurs algériens sur la scène et la grande affluence des visiteurs à cette manifestation. Mais aussi la volonté affichée du côté du gouvernement de mettre en place une industrie dans ce secteur. En somme, le livre à travers tous ses segments focalise l'intérêt de l'ensemble des acteurs intervenant dans ce secteur, de l'édition à la distribution, en passant par l'impression, avant d'arriver au consommateur final qui est le lecteur. Un lecteur de plus en plus exigeant, que ce soit pour le contenu du livre, la qualité de l'impression, du papier ou de la couverture. Des efforts ont été consentis dans ce cadre. Les visiteurs qui ont eu à sillonner les différents stands du SILA l'ont constaté. De même qu'ils ont relevé la cherté des livres justement. Le livre reste inaccessible pour la majorité des bourses avec la faiblesse du pouvoir d'achat. D'où l'accent sur le livre utilitaire, c'est-à-dire les manuels scolaires, parascolaires et universitaires. En d'autres termes, les citoyens se contentent d'acheter les ouvrages en fonction de leurs besoins et de leurs ressources financières. «Je suis à la recherche de livres traitant de ma spécialité en droit des affaires. Pour le reste, même si je suis tentée, je ne peux pas m' offrir les titres que je veux lire», nous dira dans ce cadre une étudiante. Et une autre dame de nous confier : «Je suis éducatrice dans un jardin d'enfants. Je veux juste découvrir les nouveautés dans ce domaine, les prix dépassent largement mes moyens.» Les éditeurs partagent cet avis, les prix appliqués ne répondent pas aux attentes des consommateurs. «Le marché du livre trouve son essence dans le lecteur. Or, il n' y a pas de lecteurs sur le marché interne », a expliqué à ce sujet Hassan Benaâmane, dans une émission télé consacrée au sujet, et ce, sans omettre de faire le parallèle avec le marché européen. «Le SMIG en Europe permet d'acquérir 100 livres, alors qu'en Algérie, il assure seulement l'achat de 15 livres dont le prix par unité représente quatre fois le coût», expliquera-t-il encore. Cela pour dire que la situation socio-économique restreint la demande de la consommation des biens culturels, alors que le marché de l'édition de manière particulière, et celui du livre de manière générale, ne peut se structurer sans une demande locale régulière, notamment celle émanant du secteur public (bibliothèques communales et scolaires, maisons de jeunes, maisons de la culture. Or, ces structures font fortement défaut à travers le territoire national. Elles ont disparu au fil des ans. Ce qui freine par ricochet le développement des PME de ce secteur, pourtant pourvoyeur d'emplois. Ce ne sont pourtant pas les propositions, ni les annonces qui ont manqué tout au long de ces dernières années. Il n' y a qu' à rappeler à titre d'exemple la mise en place en 2009 d'un Conseil national du livre et de la lecture, ainsi qu'un programme de réhabilitation des bibliothèques. Absence d'un réseau de distribution, l'autre entrave Au problème de la baisse du pouvoir d'achat des Algériens, s'ajoute celui de la distribution, dans un marché qui cherche à se construire. Il y a eu ces dernières années, comme le montre annuellement le SILA, une augmentation régulière du nombre des maisons d'édition, avec l'arrivée dans ce segment d'activité de nouveaux éditeurs à la recherche d'une place parmi les grands et les anciens du secteur. De 40 éditeurs en 2002, ils sont passés aujourd'hui à près de 400, selon Yasser Arafat Gana, représentant du ministère de la Culture, qui préfère parler de sociétés économiques vu l'impact sur l'emploi. Un résultat du désengagement, de l'Etat au début de l'an 2000 de la sphère de l'édition. De même qu'il y a eu une amélioration en termes de qualité d'impression avec de grands efforts de marketing. Cependant, le livre a toujours du mal à se vendre faute d'un réseau de distribution élargit et actif. Les participants au SILA le reconnaissent : «Le livre made in Algeria a largement les moyens de concurrencer les livres édités à l'étranger.» Or, les moyens de distribution font défaut. «En Europe, ils (ndlr les livres) se vendent par millions, alors que chez nous, nous les vendons par dizaines », regrette Hassan Benaâmane. En effet, il y a un manque crucial de points de vente. L'Algérie, à travers l'ensemble de son territoire ne compte aujourd'hui que 200 librairies, au moment où certaines wilayas sont carrément privées de ces lieux de connaissance et de culture. Une situation que regrette l'une des plus anciennes maisons d'édition en Algérie, en l'occurrence l'Entreprise nationale des arts graphiques (ENAG). «On ne peut pas distribuer le livre dans les quatre coins du pays, tant qu'il n' y aura pas de sociétés de distribution, on continuera à subir cette situation en attendant l'application de la nouvelle loi», a souligné la semaine dernière un représentant de l'entreprise. Pour sa part, le ministère de la Culture parie sur le projet de création de 1000 libraires publiques pour booster ce marché et mettre le livre à la portée des citoyens, notamment à travers les librairies centrales de wilaya dont 25 ont déjà été ouvertes. Une étape qui intervient après la phase de libéralisation marquée par la vente de la quasi-majorité des librairies d'Etat. On efface donc et on reprend à zéro. Autre difficulté et non des moindres, les retards dans l'impression. Même si les imprimeries traditionnelles ont compris la nécessité de moderniser leurs moyens, le code des marchés publics continue de bloquer et de pénaliser les imprimeurs par sa lourdeur et ses contraintes administratives, et ce, d'autant que tout provient de l'importation (équipements, encre et autres consommables ,en plus du papier)