Y a-t-il d'autres alternatives économiques que le pays ne daigne pas encore explorer ? Quels sont les véritables maux qui rongent l'économie nationale ? A la question de savoir " Que faire ? ", " les débats d'El Watan " ont invité jeudi dernier trois économistes de renom, Smaïl Goumeziane, Hamid Ait Amara et Mohamed Bahloul afin d'esquisser des réponses à ces questionnements devenus récurrents. Même si leurs communications se sont plus attardées sur les constats, il n'en demeure pas moins qu'elles apportent des éclairages certains et relancent le débat entre visions parfois antinomiques sur les perspectives économiques du pays. Une croissance artificielle tirée des hydrocarbures Derrière les chiffres sur les équilibres macro-économiques, se cache une réalité d'une économie qui ne crée pas de richesse mais toujours dépendante des hydrocarbures. Tel est le constat fait par Smaïl Goumeziane, économiste et ancien ministre du Commerce (1989-1991). " La croissance, dit-il est artificielle car tirée des exportations des hydrocarbures. La fiscalité pétrolière est la ressource principale du budget de l'Etat ". Et d'asséner : " L'Algérie est peut être le seul pays mono-exportateur de pétrole a avoir une dépendance pareille ". Une dépendance dangereuse, relève t-il, d'autant plus que même si le secteur est le premier à bénéficier de cette croissance, il n'en demeure pas moins qu'avec l'ouverture du secteur des hydrocarbures aux multinationales, le conférencier s'est demandé sur le poids de la Sonatrach, lorsqu'il y aura à entrer dans des partages (30 pour la Sonatrach et 70 pour les partenaires étrangers) pour définir une stratégie de pompage des ressources en hydrocarbures. Sans y répondre, il s'interrogera sur la capacité de la Sonatrach à pouvoir continuer à définir une stratégie en fonction des intérêts du pays producteur qu'est l'Algérie, ou est-ce que de plus en plus, les compagnies étrangères développeraient des stratégies pétrolières en fonction des intérêts des pays consommateurs notamment les Etats Unies d'Amérique. En dehors des hydrocarbures, note l'ancien ministre du gouvernement Hamrouche, le secteur du BTP et de transports est le deuxième à bénéficier de cette croissance, avec des niveaux d'importations importantes de biens d'équipements. Or ce développement du BTP notamment se fait, selon ses dires au détriment de la surface agricole, puisque note-il, " la surface agricole a été réduite de moitié depuis l'indépendance. De 0,75 hectares par habitant, on est aujourd'hui à moins de 0,3% par habitant. Les programmes de BTP notamment ceux du logement sont en train de rogner cette surface agricole. La logique du béton et de l'immobilier risque de l'emporter sur la logique agricole ". Et face à un pays qui peine à assurer une sécurité alimentaire puisque, relève t-il, " la facture alimentaire s'est élevée cette année à 3,6 milliards de dollars ", l'Algérie développe aujourd'hui et par la grâce de la rente pétrolière, un modèle de développement " par des infrastructures industrialisantes ". Un parallèle avec le modèle de " l'industrie industrialisante " des années 70, financé aussi par la rentre pétrolière, mais qui a accompagné par la suite l'effondrement des cours du pétrole. Pour Smaïl Goumeziane, " on nous a exhibé les chiffres de la croissance mais on ne voit pas le développement ". Pour lui, l'Algérie est entrain de s'enfermer dans cette voie, ou moment les autres pays pétroliers sont passés à " autre chose ". Se basant sur des avis de spécialistes, il conclura que " la spécialisation primaire ne mène pas au développement ". Et au conférencier de reprendre des études récentes du PNUD qui se sont alarmées sur le niveau de pauvreté dans le pays, puisque à en croire cette étude, 12 millions d'algériens vivraient avec moins de 2 dollars par jours. " Ce qui est inquiétant par rapport à la richesse artificielle tirée des hydrocarbures " note l'ancien ministre du Commerce. Pour Hamid Ait-Amara économiste, et enseignant-chercheur à l'université d'Alger, l'Algérie doit s'éloigner des politiques néolibérales imposées aux pays du Sud, afin d'intégrer la globalisation. La Chine et l'Inde, des pays modèles Défenseur d'un " patriotisme" économique, il indiquera que ces réformes néolibérales, qui passent par les privatisations, l'ouverture commerciale, adhésion à l'OMC, réduction de la protection sociale et flexibilité du marché du travail, etc., visent à la dissolution des marchés nationaux. Et d'expliquer les dégâts de l'ouverture d'une économie non compétitive sur l'économie mondiale. Pour Hamid Ait Amara, l'Algérie doit songer à construire son industrie et ne pas adhérer à l'OMC. Face à ce vision " protectionniste ", Mohamed Bahloul, économiste, et directeur de l'institut de développement des ressources humaines (IDRH) d'Oran, suggère quant à lui, une adhésion " active " à la mondialisation. S'inspirant de modèles asiatiques tels que la Chine, l'Inde, la Malaisie ou le Brésil, il dira que ces modèles sont compétitifs car basés sur le développement de la PME et ayant instauré un climat d'affaires des plus performants. Quand au rôle de l'Etat, M.Bahloul, a estimé que contrairement aux idées reçues, c'est à l'Etat que revient la charge de mener à bien le processus de développement du marché, et non contre lui, comme cela s'est fait dans beaucoup e pays tels la Chine ou l'Inde. Enfin Mohamed Bahloul a mis l'accent sur le développement des ressources humaines. Un facteur clé, dit-il de la performance économique.