L'application des tarifs référentiels en matière de remboursement des médicaments, depuis le 16 avril dernier, renseigne sur la volonté des autorités publiques d'aller vers une rationalisation plus efficace des dépenses de sécurité sociale. Intervenant lors d'une journée organisée récemment au sujet du médicament générique et des produits de santé en Algérie, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale M. Tayeb Louh a indiqué que ces dépenses, en matière de santé, ont atteint 105 milliards de dinars pour l'année 2005, dont 47 milliards de dinars au titre du remboursement du médicament par la Caisse nationale d'assurances sociales (Cnas). Plus globalement, la facture d'importation du médicament en Algérie a atteint en 2005, selon le ministère de la Santé et de la Population, plus d'un milliard de dollar. Un impact financier important Mais qu'en est-il des dépenses financières en matière de prise en charge des maladies chroniques, des grandes invalidités ou des pathologies nécessitant un suivi médical particulier, voire une hospitalisation de longue durée ? Des données économiques détaillées et récentes sur les coûts des maladies sont nécessaires pour le processus de prise de décision afin d'optimiser l'allocation des ressources et d'évaluer différentes approches de prise en charge des maladies. Cependant, les études faites jusqu'ici par les spécialistes sur ces maladies occultent souvent l'aspect financier de la prise en charge médicale et se contentent généralement de relever l'aspect clinique des maladies. Pourtant, s'il est vrai que la santé n'a pas de prix, elle a tout de même un coût qui se répercute forcément sur le budget global de l'Etat. Dans une étude, vraisemblablement l'unique réalisée dans le secteur des assurances sociales, le Dr Ameziane, diabétologue endocrinologue exerçant à l'agence CNAS de Constantine, sort des "sentiers battus" et tente de traiter la question de la prise en charge du diabète en incluant ses implications financières. En effet, en raison de sa chronicité, de la gravité de ses complications et des moyens qui doivent être mis en oeuvre pour le combattre, le diabète est une maladie coûteuse, non seulement pour le malade et sa famille, mais aussi pour les autorités sanitaires. L'étude en question, qui a concerné un échantillon de 3460 malades, montre que le coût moyen du traitement trimestriel d'un diabétique est de 3782,55 DA, alors que celui d'un diabétique insulinodépendant est de 4814,80 DA. Petit calcul : si l'on sait que le nombre des diabétiques en Algérie est de 2 millions de personnes, l'on peut déduire que la part que prélève annuellement cette maladie chronique du budget de la sécurité sociale est de plus de 32 milliards DA. Mais à bien y regarder, ce coût serait, en fait, plus important puisque cette étude du Dr Ameziane, faite sur une période de 18 mois, du 1er janvier 2002 au 30 juin 2003, s'est intéressée au seul volet des évaluations des dépenses des diabétiques en produits pharmaceutiques, relatifs à leur pathologie et ses complications (actes, congés de maladie et autres soins non compris). Les résultats de l'étude montrent par ailleurs que la population diabétique, à Constantine, représente 10% de l'ensemble des détenteurs de carte tiers payant et que le coût de cette même population représente environ 20% des dépenses globales de la CNAS au cours de cette même période. Se voulant plus précis, l'auteur de l'étude décortique l'ensemble des dépenses évaluées à 78.525.774,71 DA et affirme que l'insuline et les bandelettes représentent 19% de l'ensemble des dépenses, soit 15.016.374,52DA, les anti-diabétiques oraux 18%, soit 14.055.773,01 DA, les complications vasculaires 27%, soit 21.022.624,20DA, les complications métaboliques 1%, soit 714.490,76DA, et enfin, les autres médicaments prescrits 35%, soit 27.716.512,22DA. En guise de conclusion, l'étude du Dr Améziane affirme que cette pathologie prélève une part toujours plus importante du budget national de la santé et de la sécurité sociale et génère, en outre, "de nombreuses complications entraînant par voie de conséquence des coûts très importants". Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les coûts directs du diabète représentent, en général, entre 2,5 et 15 % des budgets annuels de santé, selon la prévalence locale et la sophistication des traitements disponibles. "Dans la plupart des pays, les hospitalisations pour les complications à long terme, accidents vasculaires cardiaques ou cérébraux, insuffisance rénale, pathologies des membres inférieurs, représentent la partie la plus importante de dépenses relatives au diabète", estime l'OMS. Le coût des hospitalisations dues à ce mal rongeur, affirme l'Organisation, est élevé dans certains pays, et peut atteindre jusqu'à 25 % des coûts totaux dans de petits Etats. La prévention, seul moyen de réduire les coûts Pourtant, selon les experts, "il est possible de réduire considérablement ces coûts, en diagnostiquant rapidement le diabète, en informant efficacement les patients et les professionnels et en assurant des soins globaux sur le long terme". Une prévention efficace passe par des soins d'un meilleur rapport coût/efficacité, qu'il s'agisse de prévenir l'apparition du diabète (prévention primaire) ou d'en empêcher les conséquences immédiates ou à plus longue échéance (prévention secondaire). La prévention primaire a pour but de "protéger les sujets sensibles contre l'apparition d'un diabète. Elle permet de réduire ou de retarder à la fois les soins aux diabétiques et les traitements des complications", expliquent ces experts. Des enquêtes conduites au sein de populations sensibles en Chine, par exemple, ont donné lieu à un modèle efficace de ce type de mesure : les modifications du mode de vie (régime alimentaire approprié et augmentation de l'activité physique, avec la baisse de poids qui en résulte), accompagnées de programmes éducatifs continuels. Ce modèle a permis "de réduire de près de deux tiers la progression vers le diabète au cours d'une période de six ans", soulignent encore les experts. Les mesures de ce type, même si elles ne sont pas faciles, "ont probablement un bon rapport coût/efficacité si elles sont appliquées à l'ensemble d'une population. Elles doivent être particulièrement envisagées dans les régions les plus pauvres du monde qui disposent de moyens très limités", soutiennent ces spécialistes. La prévention secondaire repose, entre autres, "sur le dépistage, la prévention et le traitement précoces. Les interventions appropriées au bon moment ont des conséquences bénéfiques du point de vue de la qualité de la vie des malades et sont d'un excellent rapport coût/efficacité, surtout quand elles permettent de prévenir des hospitalisations", affirment enfin ces mêmes experts.