«La peinture de Negache caresse l'œil de façon agréable. Il mérite à coup sûr une reconnaissance plus large. Un certain M'hamed Issiakhem ne s'y était pas trompé…». Une précieuse caution émanant de l'écrivain Kateb Yacine. Il est des artistes peintres humbles, humains et humanistes. Ne cherchant ni gloire ou autre gloriole. Au contraire ! Montrant une désarmante humilité. Une grandeur des petites gens ayant du talent à revendre. Et puis, cette «farce» tranquille forçant le respect. De cette race des seigneurs, Mostefa Negache en fait partie. Un beau livre intitulé Mostefa Negache, peintre de l'art naïf signé admirablement par l'auteur et le poète Abderrahmane Lounès, aux éditions ANEP, lui rend hommage. En compulsant cet ouvrage, on découvrira que Mostefa Negache est un «touche-à-tout», artistiquement parlant. Puisqu'il est fresquiste, aquarelliste, dessinateur au fusain et à l'encre de Chine, décorateur d'intérieur, restaurateur, musicien, chanteur… Il s'est essayé au théâtre, au cinéma, il a même exercé comme régisseur général du Centre algérien pour l'art et industrie du cinéma (CAAIC). C'est dire l'éclectisme de ce saltimbanque au violon d'Ingres. Aussi, dans ce beau livre, ce maestro orchestre une liberté de ton(s) et de tonalité à travers une technique tenant à la fois du cubique, de la mosaïque, de l'arabesque, de l'art naïf, du beau réalisme et surréalisme. Au bonheur des dames Une partition picturale d'un chef d'orchestre. Car dans les œuvres de Mostefa s'élèvent une musicalité, des fragrances du terroir, un univers pittoresque et puis cette délicatesse rédhibitoire sacrée et consacrée à la femme. Car elle est omniprésente. Comme l'attestent les œuvres «Lalla Khedidja», «Princesse», «La musicienne», «La voyageuse», «La chanteuse», «Elle tisse la laine», «La veuve», «L'actrice», «Les voyageuses», «La mère», «La protectrice», «La femme juive» ou encore «Secret de femme». Un «Pygmalion», sans pléonasme aucun, ayant son «harem» pictural. Et où il déclare et déclame sa flamme à l'endroit de la gent féminine. Amie, amante, âme sœur, amoureuse déclarée, mère et matrice. Leur écrin, cette lumière et luminosité, ces couleurs chatoyantes et joviales. L'espoir et l'espérance. «Ses toiles sont pleines de couleurs qui chantent et déchantent… Ses personnages, surtout féminins, sont d'une présence, comment dire ? Présente ! Il a ce regard d'éternel étonnement sur le monde, regard d'enfant qui n'a pas su grandir et c'est ce qui nous emballe chez lui…», a dit de lui son alter ego, le grand artiste peintre, M'hamed Issiakhem (1928-198). Quand on approche Mostefa Negache, ce vieux briscard, 76 ans au compteur, on découvre une générosité et une candeur jurant avec la gérontologie. Il conte et raconte des anecdotes croustillantes. Ici, celle de Kateb Yacine le qualifiant de «pas de chance, polygone étoilé», là, celle de Dahmane El Harrachi avec qui il avait officié ; là-bas, celle de Slimane Azem ou encore Temmam H'cissen. Mostefa Negache mérite une exposition, une rétrospective résumant ses toiles d'art naïf, pas du tout mineur. Mostefa Negache, peintre de l'art naïf / Abderrahmane Lounès - Beau livre/éditions ANEP/2013