Le spectacle est désolant : Farid Cherbal enseignant en post graduation à l'USTHB et coordinateur régional du syndicat des enseignants du supérieur (CNES) a été coffré par des policiers au sortir de l'amphithéâtre. Motif ? Cet universitaire a décidé d'observer une grève avec ses collègues pour protester contre la dure condition de sa corporation. Après son mauvais quart d'heure avec les forces de l'ordre, l'enseignant s'en est sorti, hier, avec un contrôle judiciaire après avoir été traduit devant le juge ! Cette image quasi caricaturale traduit si bien l'affligeant traitement réservé en Algérie à tous ceux qui incarnent le savoir et l'intelligence. Tels des malfrats, les enseignants universitaires sont régulièrement traînés devant les tribunaux pour avoir osé réclamer juste une poignée de dinars supplémentaire dans leurs maigres fiches de paie égales ou inférieures à celle de la secrétaire du coin. Il faut savoir, en effet, qu'un enseignant du supérieur algérien gagne à peu près 38 000 DA par mois soit à peu près l'équivalent de 380 euros ! C'est là que le bât blesse, quand on sait que le salaire de base du même enseignant ne dépasse guère la barre des 16 000 DA dans la mesure où l'essentiel de sa « bourse » mensuelle est constitué de primes de différentes natures, qui ne sont évidemment pas comptabilisées dans le calcul des retraites. L'universitaire algérien fait ainsi figure d'un instituteur comparé à son collègue du Maroc de la Tunisie ou même de la Mauritanie. Chez nos voisins de l'Ouest, un enseignant de même rang perçoit l'équivalent de 2000 euros soit une contre-valeur de 200 000 DA pendant que le Mauritanien touche quand même 600 euros soit 60 000 DA. Il n'y a pas photo si l'on s'amuse à comparer les revenus de nos valeureux enseignants qui font pratiquement dans le militantisme universitaire, avec leurs collègues du Maghreb, dont les gouvernements tentent de les rapprocher avec les enseignants des pays développés à coups de réajustement fréquents des salaires. C'est dans cette perspective que la Tunisie, par exemple, projette selon l'hebdomadaire l'Intelligent, de porter d'ici à 2010-2015 la moyenne des salaires des travailleurs tunisiens autour de 10 000 dollars. Un seuil psychologique considéré comme une norme d'accès au cercle très fermé des pays développés qui redistribuent les richesses du pays suivant une échelle des valeurs et le mérite. C'est dire qu'au pays de Ben Ali, la moyenne actuelle des revenus d'un enseignant culmine à plus de 1100 euros soit 110 000 DA. Ces sommes mirobolantes en devises sonnantes et trébuchantes ont de quoi faire jaser ces pauvres algériens, dont une bonne partie d'entre eux, ne possédant même pas un petit appartement, sont hébergés, pour certains, par leurs propres étudiants dans les cités U. C'est que, être maître de conférences, assistant ou professeur de rang magistral en Algérie ne signifie pas grand-chose, sinon un salaire tout juste suffisant pour vivre comme le commun des Algériens, soit assurer l'alimentaire. Faire de la recherche, effectuer des voyages d'étude ou écrire des livres ? Nos enseignants n'y pensent peut-être même plus, eux qui sont au bout du rouleau. Si Certains ont eu la chance d'aller vers un ailleurs, forcément meilleur, monnayer au prix d'or leur savoir, des bataillons d'enseignants bardés de diplômes écument, malgré eux, les campus avec un cœur gros. Quand le président de la République assène à son ministre de l'Enseignement supérieur que « vos diplômes ne valent rien », l'on se demande comment exiger de la corporation des enseignants qui est le parent pauvre de la Fonction publique, un surcroît d'effort quand on les maintient socialement au stade de la précarité. Il faut dire également que Bouteflika avait montré la « voie » en 2000 lorsque, à Oran, il avait brutalisé devant les Algériens un professeur universitaire. C'est là toute l'image de l'université algérienne.