L'initiative politique lancée, hier, par un groupe de partis et de personnalités politiques de diverses obédiences est méritoire tant le paysage politique national est plombé alors que le pays s'apprête à affronter, dans quatre mois, une élection présidentielle dans l'incertitude la plus totale. Une démarche qui vise à affirmer l'existence d'une opposition à l'ordre établi et ranimer une scène politique amorphe et sans relief où il est laborieux de saisir les intentions des tenants du pouvoir. L'état désastreux dans lequel est plongé le pays interpelle tous les acteurs politiques et sociaux militant pour le changement et exige d'eux d'agir, même si le pouvoir s'est employé – à coups de lois scélérates et de répression, usant dernièrement de cette nouvelle arme qu'est l'opacité – à ne leur laisser aucun espace d'expression et d'action. Même si elle paraît peu ambitieuse, l'initiative est quasiment la première du genre, réunissant des partis, mais aussi des groupes ou des personnalités ayant jusque-là proposé des «initiatives» de manière dispersée. Il faudra ainsi retenir que, dans les rangs des participants à la rencontre d'hier, Ahmed Benbitour et Soufiane Djilali ont déjà déclaré qu'ils se porteraient candidats à la prochaine présidentielle. Abderrezak Makri, du MSP, avait la veille laissé entendre qu'il se porterait également candidat. Les ambitions ainsi affichées n'empêchent donc pas la conception d'actions communes face à un pouvoir qui assume, depuis quelques semaines au moins, sa ferme intention d'imposer un quatrième mandat pour Bouteflika. Même si les receleurs de candidature à la criée sont de moins en moins nombreux et leurs voix ne portent plus bien loin. Infliger au pays le quatrième mandat d'un Président qui, depuis sept mois, n'assure plus sa fonction serait condamner le pays à un échec permanent. Face au pouvoir qui n'affiche aucune volonté d'ouverture, tablant sur une prétendue «stabilité» qui cache mal un statu quo périlleux pour le pays, les forces d'opposition sont condamnées à trouver des compromis et des convergences permettant d'ouvrir des perspectives nouvelles, mais aussi de créer un rapport de force nécessaire pour rendre inéluctable le changement démocratique, seul moyen de contraindre les décideurs à accepter l'urgence de sortir le pays du blocage historique dans lequel il est enfermé. Un pouvoir ne cédera jamais de gaieté de cœur, qui plus est quand il a assis son existence et sa pérennité sur la négation des principes démocratiques. Il faut dire que l'impasse dans laquelle se trouve l'Algérie est la résultante, certes, d'un pouvoir autoritaire imperméable aux idées du changement, mais également le révélateur d'une défaillance de la classe politique peu entreprenante et jusque-là incapable de porter un projet politique mobilisateur et alternatif. L'ordre autoritaire qui s'est imposé aux Algériens a atteint ses limites historiques. L'élection présidentielle peut constituer un moment important pour l'amorce d'un nouvel ordre politique démocratique. Les exigences liées à la crise politique nationale et aux convulsions régionales appellent un nouveau contrat social. Au plan symbolique, l'initiative lancée hier par des forces politiques est importante, mais elle ne doit pas se suffire de regroupements d'appareils. Il est ainsi attendu des forces du changement d'aller à la rencontre des Algériens, d'engager avec eux des débats de fond sur les enjeux lancinants de l'heure. Quitte à faire face à cette «démobilisation» réelle ou supposée de la société qui, elle, a été longtemps privée de voix et d'instruments de changement. L'initiative proposée hier ne va probablement pas entraîner une dynamique pouvant iduire tout de suite une reconfiguration des forces en présence, mais inaugure certainement une phase de jonction entre différentes forces politiques refusant le fait accompli que les décideurs s'affairent à imposer.