La problématique de la mise en place d'un espace maghrébin commun et la relance du processus visant à donner forme à un partenariat équilibré entre les pays européens et ceux du Maghreb ont donné lieu, l'espace de deux jours, à un grand débat qui a regroupé, le week-end dernier dans la capital espagnole, Madrid, experts, hommes d'affaires et hommes politiques des deux rives de la Méditerranée. A l'affiche du séminaire international : « Du coût du non Maghreb au tigre nord-africain ». Organisée par l'Institut européen de la Méditerranée (IEMED) et le Centre international de Tolède pour la paix (CITPAX), sous le patronage du ministère espagnol des Affaires étrangères, cette rencontre a ainsi permis de relancer la réflexion à la fois sur les enjeux de l'édification de l'union maghrébine et le devenir du partenariat euro-méditerranéen, une décennie après le lancement du processus de Barcelone. « En initiant cette rencontre, a expliqué le ministre espagnol des Affaires étrangères et de la Coopération, Miguel Angel Moratinos, nous avons voulu réunir des intellectuels, hommes d'affaires et hommes politiques du Maghreb et d'Europe afin de lancer un appel en vue d'accélérer l'édification du Maghreb et d'améliorer les relations de cette région avec l'Europe ». « Jusque-là, a-t-il lancé, les choses évoluent à un rythme trop lent, ce pourquoi il y a urgence de travailler à un Maghreb unifié. » Et de soutenir : « Le Maghreb est une région dont le rôle est vital pour l'Espagne et l'Europe et un bon avenir de l'espace maghrébin y va des intérêts tant sécuritaires qu'économiques de l'Espagne et de l'Europe. » Or, a-t-il noté, « du côté européen, l'on pense que les Maghrébins ne sont pas réellement intéressés et engagés dans le processus de Barcelone, tant il est même arrivé à plusieurs reprises que les représentants des pays du Maghreb soient absents aux réunions prévues dans le cadre de ce partenariat ». Fustigeant la désunion entre les pays maghrébins, le ministre espagnol signifiera que « la fermeture de le frontière entre l'Algérie et le Maroc est quelque chose d'impensable, au moment où nous aimerions voir se développer des économies d'échelle dans la région ». « La question du Sahara-Occidental, a-t-il relevé, est sans doute l'obstacle qui fait que l'intégration maghrébine se fait de manière lente. Mais pour régler un telle question, il faut justement que l'Union du Maghreb soit beaucoup plus active. » Marquant pour sa part une attitude critique à l'égard des pays européens, l'ancien président du gouvernement espagnol, Felipe Gonzalèz, a souligné que l'Europe continue encore à fonctionner corporativement et que le Maghreb reproduit le même modèle. Selon lui, il y actuellement une régression européenne claire vers le nationalisme et l'Europe rentre ainsi dans une décadence douce, alors qu'il y a une crise de l'offre énergétique qui produit un changement structurel dans l'ordre des relations internationales. Intervenant à la clôture des débats du séminaire, l'ancien chef du gouvernement algérien, Mouloud Hamrouche, a expliqué qu'au Maghreb, les systèmes politiques continuent à engendrer des impasses internes ou bilatérales. « La fermeture des frontières algéro-marocaines, a-t-il dit, est une honte mais il y a aussi le problème des frontières psychologiques et mentales ». « Pour permettre au moins d'assurer la sécurité de tout le monde, il faut éviter que le fonctionnement du pouvoir repose sur un seul homme », a-t-il plaidé.