Dépasser la fatalité du Non-Maghreb pour aboutir à l'édification d'un espace maghrébin commun et parvenir, par là même, à redonner vie au processus moribond de Barcelone, initié il y a une décennie, tel a été l'esprit qui a présidé aux débats sur la problématique de l'intégration maghrébine et le devenir du partenariat euroméditerranéen, lors d'un séminaire de deux jours organisé la semaine dernière dans la capitale espagnole Madrid, sous le thème « Du coût du Non-Maghreb au Tigre nord-africain ». Un thème qui conviait les intervenants à faire, l'espace de deux jours, « un rêve éveillé » où le Maghreb tiendrait un rang privilégié en Méditerranée, comme le proposait les initiateurs du séminaire. Organisée par l'Institut européen de la Méditerranée (IEMED) et le Centre international de Tolède pour la paix (CITPAX), sous le patronage du ministère espagnol des Affaires étrangères, cette rencontre invitaient ainsi experts et acteurs économiques et politiques des sociétés des deux rives de la Méditerranée , à se pencher sur les voies et moyens pouvant être à même d'aboutir à l'idéal d'un partenariat équitable entre maghrébins et européens. Etait proposée comme finalité aux débats, la question de savoir " quels moyens à mettre en œuvre et quels processus à suivre pour que l'Afrique du Nord puisse être, à l'horizon 2020, un interlocuteur écouté de l'Union européenne ? ". L'objectif ainsi tracé à la rencontre de Madrid semble traduire à lui seul le sentiment général d'un échec consommé du processus de Barcelone, censé fonder les bases d'un partenariat équitable entre les rives nord et sud de la Méditerranée. Une décennie après sa mise au monde, le processus de Barcelone n'a en effet guère tenu ses promesses d'instaurer une zone de paix, de stabilité et de prospérité partagée entre les pays des deux rives. Le constat dressé du coté européen dénote d'un malaise évident et des craintes que l'Europe continue à nourrir face aux pays qui sont pour ainsi dire à ses portes et avec qui elle a du mal à établir un rapport équilibré qui intègre les intérêts des uns et des autres. La responsabilité d'une telle impasse incombe, aux yeux des acteurs des pays du vieux continent présents à la rencontre de Madrid, en grande partie aux pays maghrébins, qui continent à se tourner le dos au lieu de s'unir pour offrir à l'Union européenne un interlocuteur unique et un marché commun. " Il y a urgence de travailler à un Maghreb unifié car un bon avenir de la région maghrébine y va des intérêts tant sécuritaires qu'économiques de l'Espagne et de l'Europe ", a ainsi insisté le ministre espagnol des Affaires étrangères et de la Coopération, Miguel Angel Moratinos. " L'heure, a-t-il martelé, est venue pour accélérer l'intégration entre les pays du Maghreb et l'Europe, car ne nous pouvons pas nous permettre d'attendre encore dix ou quinze ans pour y parvenir ". Seul responsable officiel d'un pays européen à intervenir à la rencontre de Madrid, Moratinos a tenu un discours pour le moins virulent à l'endroit des dirigeants maghrébins, leur reprochant expressément un manque d'intérêt et d'engagement dans la mise en œuvre du processus de Barcelone. Considérant que le partenariat euroméditerranéen ne pourrait se construire sans le préalable d'un espace maghrébin commun et d'une Union du Maghreb réellement active, le ministre espagnol n'a pas manqué de fustiger la désunion entre les pays Maghrébins, signifiant en ce sens que " la fermeture de le frontière entre l'Algérie et le Maroc est quelque chose d'impensable ". " La question du Sahara-Occidental, a-t-il relevé, est sans doute l'obstacle qui fait que l'intégration maghrébine se fait de manière lente. Mais pour régler une telle question, il faut justement que l'Union du Maghreb soit plus active ". Et d'insister en définitive " qu'il faut aujourd'hui une harmonisation des visions européenne et maghrébine quant à l'avenir des relations entre les deux parties ". Briser la fatalité du Non-Maghreb Pour ce faire, plaidera-t-il, " il faut établir un agenda d'intégration, de même qu'un agenda sécuritaire et un autre qui trace les relations de l'Europe avec le monde arabo-musulman ". Tout ce là, a-t-il conclu, " l'Europe et le Maghreb doivent nécessairement le faire ensemble afin de parvenir à concrétiser la nouvelle relation entre les deux rives de la Méditerranée ". Au regard des divergences politiques profondes qui subsistent entre pays maghrébins, dont surtout la question du Sahara-Occidental, l'édification d'un espace maghrébin commun et la refondation de l'Union du Maghreb s'apparente dans l'état actuel des choses, davantage à un vœux pieux qu'à une finalité accessible à court terme. L'intervention prononcée par l'ancien chef du gouvernement algérien, Mouloud Hamrouche, à la clôture des débats au séminaire de Madrid est en ce sens très éloquente : " Vous nous avez invité au rêve, celui d'un Maghreb unifié, intégré, prospère et dont les citoyens sont libres et heureux. Je vous dirais qu'il y a des hommes politiques qui font rêver leurs peuples pour les mener à l'impasse, et il y a des hommes politiques qui veulent concrétiser des rêve, en y travaillant concrètement et modestement ". Entre pays maghrébins, propose le même intervenant, " il faut aujourd'hui imposer un minimum institutionnel, notamment dans les prises de décisions et en garantissant un principe de concertation ". Et c'est là justement où semble se situer l'origine de la désunion entre les pays maghrébins. Au-delà des convictions acquises quant aux intérêts économiques que pourrait valoir à chacun des pays maghrébins, la mise en place d'un espace régional commun, les positions politiques entre ces même pays sont des plus difficiles à concilier. Pourtant, aux yeux des européens, aussi bien pour concrétiser les intérêts propres des pays du Maghreb que pour répondre aux attentes du vieux continent, les maghrébins doivent se présenter en rangs unifiés et se constituer en un ensemble régional à même de peser sur l'avenir des relations euroméditerranéennes. " Construire l'Union du Maghreb n'est pas une tâche facile ", admet sans ambages le secrétaire général de l'Union du Maghreb arabe, Habib Ben Yahia. Néanmoins, considère-t-il, " la prospérité de la rive nord de la Méditerranée ne saurait s'accommoder d'une rive sud qui reste pauvre ". D'où , selon lui , la nécessité d'œuvrer non seulement à relancer le dialogue entre les pays maghrébins et ceux de l'Union européenne , mais aussi à remédier à la faiblesse des investissements directs étranger (IDE) d'Europe vers le Maghreb. " L'on s'interroge dès à présent sur ce que sera la part des maghrébins dans la future zone de libre-échange euroméditerranéenne ", lance en définitive le SG de l'UMA. Ainsi , au-delà de la nécessité mise en évidence de voir émerger un marché intégré de la région, la question demeure posée de savoir si les partenaires européens sont disposés à dépasser le cadre de propositions pour s'installer sérieusement et durablement dans un élan de volonté unanime d'aide à la mise à niveau des économies maghrébines ? La réponse sera bien évidemment jugée à la mesure des flux d'IDE dont pourraient bénéficier les pays en question . Mais, l'Europe semble aujourd'hui encore prendre d'un côté seulement l'approche de ce partenariat. Rien n'empêche en effet de méditer sur leurs nouvelles suggestions, dont la plus importante n'est nulle autre que celle mettant en avant l'enjeu de l'offre énergétique. " Les pays du sud doivent utilisé le pétrole comme une variable stratégique pour acquérir une place sur la scène internationale ", a lancé en ce sens l'ancien président du gouvernement espagnol, Felipe Gonzalez, en rappelant dans le même contexte que l'Europe fait face actuellement à “un problème énergétique terrible ".