Nul ne fait mystère de la position de l'Arabie Saoudite et d'Israël par rapport à l'accord sur le programme nucléaire iranien. C'est une question vitale pour ce «couple» recomposé. L'effarouchement du royaume wahhabite est proportionnel à sa peur existentielle de perdre son statut d'allié américain dans la région au profit de l'Iran. Et pour ce faire, les «serviteurs» des Lieux Saints sont prêts à tout, y compris à pactiser avec le diable. Israël, qui est théoriquement l'ennemi juré, devient ainsi l'ami intime pour la circonstance. Le prince saoudien Al Walid Ben Talal Ben Abdelaziz, petit-fils du roi Ibn Saoud, fondateur de l'Arabie Saoudite, électron libre de la monarchie, a mis hier les pieds dans le plat. «L'Arabie Saoudite, les Arabes et les musulmans sunnites approuvent une attaque israélienne contre l'Iran pour détruire son programme nucléaire. Les sunnites appuieraient une telle attaque car ils sont hostiles aux chiites et à l'Iran», a-t-il déclaré dans une interview accordée à la chaîne de télévision économique américaine Bloomberg. Ce prince milliardaire, qui vend une image «libérale», ne s'empêche pas de dire tout haut ce que ses cousins pensent tout bas. «L'Arabie Saoudite, les Arabes et les musulmans sunnites n'affirment pas ce soutien publiquement, mais ils l'expriment lors de rencontres secrètes», soutient-il, arguant du fait que «les Arabes estiment que le danger auquel ils sont confrontés vient d'Iran et non pas d'Israël». Voilà qui scelle la «sainte» alliance entre l'Etat hébreu et les porte-voix autoproclamés du monde sunnite. Al Walid Ben Talal prend ainsi la responsabilité de parler au nom de tous les Arabes et de tous les musulmans pour dire sa haine de l'Iran chiite et trouver des atomes crochus avec Israël. Le grand écart… Et pour soigner un peu sa cote de popularité parmi le lobby sioniste et faire ses génuflexions à Tel-Aviv, le représentant de la monarchie la plus rétrograde au monde se paye la tête de… Barack Obama. «C'est une marionnette entre les mains de l'Iran à tel point qu'il fait honte au Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu», assène-t-il. Sûr que son ami Netanyahu et les néo-conservateurs américains apprécieront ce «courage» d'un homme issu d'un pays où les femmes sont interdites de prendre le volant… Walid Ben Talal dit tout haut… Selon le journaliste américain qui a recueilli l'interview, Jeffrey Goldberg, le prince Al Walid aurait déclaré : «Nous et les Israéliens sommes concernés pas cette question et sommes inquiets.» Voilà qui a le mérite d'être clair. Aussi clair que les responsables israéliens eux-mêmes qui n'hésitent plus à évoquer «nos amis d'Arabie Saoudite». Il est vrai que l'accord entre les Occidentaux et l'Iran sur le dossier nucléaire a précipité la formation de ce couple contre nature entre Israël et les Al Saoud. Les deux pays ont en commun qu'ils craignent de tomber en disgrâce dans le sillage des recompositions géopolitiques à venir dans la région. L'Iran est désormais leur cible privilégiée dès lors que son nouveau président, le modéré Hassan Rohani, n'est pas un bon client pour Israël et l'Arabie Saoudite. Habitués à la littérature subversive d'Ahmadinejad qui servait de carburant vital pour embrayer sur le «monstre» iranien, le couple israélo-saoudien ne sait plus quoi faire face au ton conciliant de Rohani. C'est d'ailleurs l'exercice auquel s'est livré hier le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, au Koweït, en assurant que l'accord sur le nucléaire iranien était dans l'intérêt des pays arabes du Golfe. Mieux encore, le MAE iranien a annoncé son intention de se rendre en… Arabie Saoudite. «Le règlement de cette question (le nucléaire iranien) est dans l'intérêt de tous les pays de la région et ne se fait aux dépens d'aucun pays de cette région», a déclaré le ministre après des entretiens avec son homologue koweïtien, cheikh Sabah Khaled Al Sabah. «Soyez rassurés, cet accord sert la stabilité et la sécurité de la région», a-t-il insisté. Pas sûr que Riyad l'entende de cette oreille et encore moins son allié de circonstance, Tel-Aviv. Seulement, contrairement aux déclarations de Walid Ben Talal, son pays n'est pas sur la même longueur d'ondes que les autres monarchies du Golfe. Rohani, un mauvais client d'Israël Ces dernières ont globalement soutenu l'accord sur le nucléaire et disent souhaiter des «relations de bon voisinage» avec l'Iran. Le chef de la diplomatie émiratie, cheikh Abdallah Ben Zayed Al Nahyan, a d'ailleurs effectué, jeudi, une visite officielle à Téhéran où il a annoncé la volonté des émirats de créer «un comité économique conjoint dans tous les domaines, notamment dans les activités du secteur privé, pour accroître les liens avec l'Iran». Face à cette campagne diplomatique menée par l'Arabie Saoudite et Israël, Téhéran a ainsi dépêché son MAE pour aller prêcher la «bonne parole» dans les pays de la région, y compris là où il est vraiment indésirable, l'Arabie Saoudite.