La manifestation a rassemblé plus de 100 000 personnes dimanche à Kiev, et des dizaines de milliers dans d'autres villes du pays, soit la plus forte mobilisation depuis la Révolution orange de 2004. Le bras de fer entre la Russie et l'Union européenne (UE) concernant la «récupération» de l'Ukraine se poursuit par rue ukrainienne interposée. Plus de 2000 manifestants de l'opposition ont ainsi bloqué, hier, les accès au gouvernement ukrainien dans le centre de Kiev, conformément aux mots d'ordre lancés la veille par les leaders du mouvement pour protester contre la décision de Kiev d'ajourner la signature d'un accord d'association avec l'UE. Ceux-ci, dont l'ex-champion du monde de boxe Vitali Klitschko, étaient forts du succès de la manifestation qui a rassemblé plus de 100 000 personnes dimanche à Kiev, et des dizaines de milliers dans d'autres villes du pays, soit la plus forte mobilisation depuis la Révolution orange de 2004. Très tôt, les manifestants, qui réclamaient le départ du président Viktor Ianoukovitch, ont afflué vers le siège du gouvernement depuis la place de l'Indépendance, située à quelques centaines de mètres de là, et où des milliers d'entre eux avaient passé la nuit après la manifestation de dimanche. Toutes les rues situées autour du siège du gouvernement ont également été bloquées par des automobilistes sympathisants de l'opposition. Certains jeunes gens portaient des masques et des cagoules, comme ceux qui avaient tenté de prendre d'assaut l'administration présidentielle dimanche en marge de la manifestation. Il s'en est suivi des affrontements qui ont fait 165 blessés, selon un bilan communiqué hier. Les leaders de l'opposition avaient appelé, dimanche soir, à occuper le quartier gouvernemental dans le centre de Kiev jusqu'à la démission du gouvernement et du président Viktor Ianoukovitch. Les manifestants ont investi dimanche la mairie de Kiev et la Maison des syndicats, un autre bâtiment officiel dans le centre-ville. Le président Ianoukovitch tenait au même moment une réunion d'urgence dans sa résidence de la banlieue de Kiev avec le ministre de l'Intérieur Vitali Zakhartchenko. Le porte-parole du Premier ministre, Vitali Loukianenko, a cependant démenti, hier, les rumeurs selon lesquelles l'instauration de l'état d'urgence était envisagée. La mobilisation de l'opposition a été provoquée, il y a une dizaine de jours, par la volte-face du pouvoir ukrainien, qui a suspendu la signature d'un accord d'association avec l'Union européenne, en préparation depuis des mois, pour se tourner vers la Russie. Une manifestation, il y a une semaine à Kiev, avait déjà rassemblé des dizaines de milliers de personnes. La mobilisation s'est renforcée après que M. Ianoukovitch a confirmé, vendredi pendant un sommet à Vilnius, son refus de signer l'accord d'association avec l'UE. Loulia Timochenko, ex-Premier ministre actuellement emprisonnée, dont l'UE a demandé vainement la libération, a alors appelé à «renverser» le pouvoir actuel en descendant dans la rue. Les dirigeants européens ont, de leur côté, exprimé leur amertume, la semaine dernière, à l'égard de la Russie, qui a pesé de tout son poids pour empêcher l'ex-république soviétique de se rapprocher de l'Europe. Mais M. Ianoukovitch, qui a maintenu une visite en Chine prévue du 3 au 6 décembre, a fait savoir qu'il se rendrait ensuite à Moscou pour signer, avec son homologue russe Vladimir Poutine, une «feuille de route de coopération». La direction ukrainienne, qui a pris soin d'affirmer qu'elle maintenait son orientation européenne malgré la suspension du processus d'association, a également indiqué qu'elle envoyait une délégation à Bruxelles cette semaine pour parler coopération économique. Bref, l'Ukraine est plus que jamais écartelée entre Bruxelles et Moscou. Mais il est peu probable néanmoins que Kiev puisse continuer encore longtemps à jouer sur les deux tableaux. Reste à savoir maintenant qui de l'Union européenne ou de Moscou aura le dernier mot.