Le roman Les doigts de Lolita, publié en arabe, est porteur d'un dialogue avec la littérature universelle. Le romancier algérien, Waciny Laredj, vient d'obtenir le prestigieux prix de la création littéraire arabe, Djaizatou al ibdaa al arabi, pour son roman Les doigts de Lolita. Le prix a été décerné par la Fondation de la pensée arabe (El Fikr al arabi) à Beyrouth, au Liban. Annuellement, cette fondation remet cette distinction à un poète, un romancier ou un dramaturge arabe. C'est l'équivalent arabe du Goncourt français puisque le prix récompense une œuvre bien accueillie par le lectorat et la critique durant l'année. Le jury de la Fondation d'El Fikr al arabi a salué le réalisme politique et social du roman Les doigts de Lolita. «Une œuvre qui aborde plusieurs thématiques comme la violence, le terrorisme, la répression politique, l'exil, l'identité, l'amour, l'écriture, la femme, le rapport à la langue», a souligné le jury. Selon Henri Lawit, coordinateur des jurys de la fondation de la pensée arabe, Waciny Laredj a traité toutes ces thématiques avec beaucoup de sérieux et de créativité dans sa narration. «Les doigts de Lolita est un roman qui s'entrecroise avec la littérature universelle et donne une nouvelle dimension au roman arabe actuel. Waciny a travaillé fortement sur la langue pour la rendre accessible sans qu'elle ne perde de sa beauté», a-t-il déclaré à Beyrouth. Doté de 50 000 dollars, le prix de la création littéraire arabe est attribué pour la première fois pour un auteur maghrébin. Le prix sera remis le jeudi 5 décembre lors du douzième congrès de la fondation de la pensée arabe prévu à Dubaï aux Emirats arabes unis. Lors de ce congrès, le prix de la création artistique sera remis au trio musical palestinien Djoubrane. Le libanais Nader Seradj a, lui, décroché le prix du plus important livre arabe 2013 pour une étude socio-linguistique, Al chabab ou loughatou al asr (les jeunes et la langue de l'époque). Waciny Laredj est l'un des romanciers algériens les plus lus actuellement dans les pays arabes. La traduction de ses romans en plusieurs langues lui a ouvert les portes du monde. Il est l'auteur de plusieurs romans, dont Chouroufât bah al chamal (Les balcons de la mer du Nord), Sayyidat al maqâm (Les ailes de la reine), Kitabou al amir (Le livre de l'émir), Nawar al louz (Fleurs d'amandiers), Sonata li achbah al qods (Sonate pour les fantômes d'El Qods) et Harissat al dhilal (la gardienne des ombres). Son avant-dernier roman, Ramadou Al Charq (Les cendres de l'Orient), publié en deux tomes sur plus de 1000 pages, retrace l'histoire des pays arabes ces cent dernières années. Les doigts de Lolita est un roman à travers lequel Waciny Laredj interroge la littérature universelle. Ou mieux, dialogue avec l'œuvre majeure de l'écrivain russo-américain, Vladimir Nabokov, Lolita. Paru en 1955, ce roman, qui raconte une histoire d'amour entre un adulte et une adolescente, a été frappé de censure aux Etats-Unis avant d'être édité en Europe. Le livre a été qualifié d'immoral à sa sortie. Stanley Kubrick a adapté ce roman au grand écran en 1962, consacrant le succès mondial de Nabokov. Dans Les doigts de Lolita, Waciny Laredj plonge dans le monde ambigu de la mode et de la haute couture. Il y évoque l'histoire de Nawa, mannequin, qui tombe amoureuse de Younes Marina, un romancier célèbre. Leur rencontre se fait à la Foire du livre de Francfort. Le romancier algérien n'a pas manqué de faire un clin d'œil à Salman Rushdie, menacé de mort après la publication de Les versets sataniques. Manière du romancier algérien Waciny Laredj de souligner les pressions violentes des extrémistes religieux contre les artistes et les créateurs littéraires. Waciny Laredj, qui enseigne la littérature à la Sorbonne à Paris, a reçu déjà le grand prix de la littérature arabe pour Kitab Al Amir.