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Pierre Bourdieu, hors des sentiers battus
La philosophie n'est pas dans le boudoir
Publié dans El Watan le 01 - 06 - 2006

Philosophe reconverti à la sociologie après son passage en Algérie en guerre d'émancipation nationale (1954-1962), Pierre Bourdieu aura enseigné quelque temps à la faculté des lettres et sciences humaines à l'Université d'Alger dans les premières années de l'indépendance.
Posté en observateur au GG, Bourdieu se passionne pour le reportage et la photo (dont une récente exposition en aura retracé, à la BN d'Alger, l'essentiel des grandes lignes), Bourdieu quitte le boudoir philosophique et opte pour la turbulente vie de sociologue happé par le vertige du terrain et de la découverte de la réalité humaine et des conditions concrètes de vie des hommes. Ce déplacement d'intérêt intellectuel n'est pas seulement la découverte de l'exigence de vérité propre aux philosophes, mais c'est aussi et surtout la découverte de l'inanité de la philosophie du boudoir dans un monde de turbulence. Il n'en fallait pas plus pour une conscience aiguë nourrie à la sève de la culture de terroir (sans doute le souvenir du rôle du Bearn dans les guerres de résistance aux oppressions diverses comme aux occupations dont celle qu'avait vécu en son adolescence ce jeune homme en qui naissait et se renforçait assez précocement le souffle de la justice sociale et de la liberté intégrale. Mais on ne quitte pas la philosophie impunément et on ne devient pas sociologue en un tournemain. C'est donc par effraction disciplinaire que Bourdieu s'aventure dans le marécage sociologico-ethnologique dans un contexte de confrontation, de crise comme il aime à la souligner, entre une société oppressive (La France coloniale) et une société opprimée (l'Algérie colonisée). Cet éveil à la conscience traversera toute la vie exaltante de cet homme infatigable quand il s'agit de défendre la justice et la dignité humaine. La trajectoire de cet intellectuel est une leçon qui demeure indispensable à méditer et incontournable à suivre. Elle se déploie, schématiquement, en périodes facilement observables (1955-1975 ou l'académisme doctrinaire puis 1975-95 ou les ruptures contestataires et enfin 1995-2000 avec le projet de déconstruction). Ce sont ces périodes de maturation et de mutation qui permettent de comprendre l'itinéraire et le processus de formation d'un intellectuel élitiste et engagé au sens noble du terme. Sa production intellectuelle se déploie sur près d'un demi-siècle de travaux scientifiques, d'essais philosophiques, de comptes rendus divers, de controverses et de discours de plus en plus engagés, de plus en plus critiques, de plus en plus universalistes. Sa période algérienne relativement courte ne sera malheureusement pas capitale au regard des retombées de formation. Peu d'universitaires algériens furent ses élèves, plus rares auront été ses disciples et encore plus rarissimes sont aujourd'hui ses lecteurs. Pourtant, quand les différents mouvements de libération et d'émancipation, y compris de mouvements féministes et autres, se déployèrent autour des années 1970 et lorsque les campagnes de dénonciation des crimes de guerre des puissances colonialistes ou néocolonialistes transformèrent les capitales européennes en champs de confrontation autour des droits de peuples à disposer d'eux-mêmes et en droits des individus au plein exercice de leurs libertés bafouées, Pierre Bourdieu aura toujours été présent aux grands rendez-vous, assumant des responsabilités sans faille, à de moments cruciaux comme pendant les guerres du sud-est asiatique et du Moyen-Orient où il siégea comme membre du Tribunal Russel pour juger des crimes de guerre des légions militaristes devenant de plus en plus les gendarmes du monde. Dès lors que l'Algérie fut de nouveau saisie par le syndrome de guerre civile, Pierre Bourdieu aura été parmi les tous premiers à témoigner pour elle et à organiser des comités de soutien, de solidarité, alors même que beaucoup de voix perfides ou immatures s'élevaient de plus en plus pour nous conseiller d'assumer « des régressions fécondes » et pour nous convier au titre du purgatoire à des « descentes aux enfers ». En 1985, Pierre Bourdieu renoue subtilement avec l'Algérie et discute ouvertement avec un intellectuel quelque peu iconoclaste : Mouloud Mammeri. Hélas cette prise de langue sera de courte durée, car interrompue par le cruel destin qui aura ravi l'écrivain algérien aux siens et à sa société qu'il n'aura jamais voulu désertée. Ce n'est pas un hasard que cette reprise de contact avec l'Algérie se soit réalisée à ce moment précis. En effet, le vent de contestation, qui va souffler sur l'Algérie en contrecoup de ce qui se passait déjà dans bon nombre de pays arabes ou dits arabes à l'instar de l'Egypte, du Maroc, de la Tunisie, de la Syrie, du Liban, de l'Irak, du Yémen, de l'Arabie, relatif aux graves atteintes aux droits citoyens et aux libertés fondamentales, ramène Bourdieu au réel algérien qui n'est plus celui des photos de villages des années 1950, mais à ce réel de la répression atroce qui frappe les jeunes et les moins jeunes que l'oppression et la dictature (les événements ont été déclenchés par une provocation suite à une interdiction stupide d'une conférence sur la poésie kabyle ancienne) a poussé à la révolte après l'interpellation de Mouloud Mammeri en avril 1980. C'est alors qu'un débat s'engage entre le sociologue et l'anthropologue sur le travail de vérité et de révélation du réel socio-politique, réel drapé par des symboliques identitaires sciemment mises en situation conflit (manipulation) et étouffé par la chape médiocratique idéologique (répression). Vingt ans après la publication des Isefra de Si Muhand Oumhand, une explication est enfin engagée sous forme de débat académique entre l'anthropologue algérien et le sociologue français. Mammeri s'explique enfin avec son cadet (Bourdieu est plus jeune que Mammeri) sur le bien-fondé de l'iconoclaste analyse endogène des réalités ethno-anthropologiques. Mais la leçon partagée est moins doctrinaire et académique que sociale et politique. Alors s'ouvre pour Bourdieu une période d'expérience de visualisation concrète des différenciations savantes qu'il avait finement établies sur le plan doctrinal et académique entre « champ » et « appareil » qu'il va expérimenter dans le réel concret et dont il tirera une bien percutante étude publiée en 1992 (trois années après la disparition de Mouloud Mammeri). C'est alors que Bourdieu va vivre à son tour les avatars des rapports parfois indignes entre l'intellectuel et les institutions de contrôle (les médias en particulier). Le combat de M. Mammeri aura fait toucher du doigt à P. Bourdieu la sinistre réalité qui a accouché de ce bel essai si percutant de Paul Nizan : Les chiens de garde.
* Article inédit de P. Bourdieu écrit après sa mission en 1998 en Algérie dans le cadre du Parlement européen et dénonçant les manipulations médiatiques de certains faux intellectuels réfugiés qui accablaient leur société et leurs collègues restés au pays.


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