Après une longue absence, loin de l'Algérie - sa dernière visite remonte à 1990 et son dernier spectacle date de 1984, alors membre du groupe Carte de Séjour (Khoukhoumanie) - Rachid Taha s'est enfin produit à Alger, au sein de l'espace Agora de Riadh El Feth, mercredi soir. Malgré un ciel gris, un vent glacial, un froid « cinglant » et une sono défaillante (vraiment un son pourri, une frustration !), Rachid Taha a donné lui-même en offrant un concert gratuit, généreux et chaleureux chauffant à blanc un public restreint (car l'on ne s'est pas bousculé au portillon). Donc, un showcase en plein air ! Les présents n'avaient pas tort, ils étaient des privilégiés. C'est un Rachid Taha arborant un costume vert, portant une chemise et des lunettes noires, une cigarette de travers à la Gainsbourg (pas écolo) et puis ce côté flegmatique, très laid-back qu'on lui connaît. La pop attitude, quoi ! Aussi, transportera-t-il son bon public avec Chouf, Yemma Semhili (d'après Rachid Taha, ce titre a été plagié par Carlos Santana sur l'album Supernaturel, le titre s'appelle Migra, une ressemblance flagrante), Meftuh, Abdelkader Ya Boualem (remember le trio solaire 1, 2, 3... avec Khaled et Faudel), Medina, une plage urbaine, « rurbaine et suburbaine » parlant de déracinement et d'exil intérieur. Du coup, les jeunes ont investi le dancefloor pour s'éclater sur un beat rock-raï-berouali-électro. « Allez, on fait un spécial mix Alger nouvelle version) », encouragera-t-il ses hôtes. Il compulsera pour la circonstance son Diwan (album) avec Ben't Sahra, une reprise dont l'auteur est Khlifi Ahmed. « A l'étranger, on croit que l'Algérie n'a que du gaz et du pétrole. Mais il y a aussi la jeunesse, des belles femmes, ma musique et la culture... », commentera-t-il. Et puis suivront El Men fi de Akli Yahiaten auquel il fera une « big dédicace » tout en ayant une pensée pour cheikha Rimitti. Il n'oubliera pas le grand maître du chaâbi Dahmane El Harrachi en lui réservant la part du lion avec la fameuse reprise de Ya Rayah (l'ayant révélé au monde entier) et Ach Dani. Ce tribute (hommage) sera célébré en a cappella dans une bain de foule et de jouvence. Rachid descendra sur la piste de danse pour communier, chanter en chœur, se prendre en photos-souvenir, serrer des mains et ce, dans un karaoké grandeur nature. « Fi khatar Dahmane, Rimitti et tous ceux qui sont morts », révélera-t-il. Avec Habina de Farid El Attrache, il exécutera une figure du style du tarab el arabi qui lui est cher et avec Ida, il imprégnera l'auditoire avec du raï pionnier de Messaoud Bellemou. Mais Avec Rock the Casbah, du groupe britannique mythique de punk-rock Clash, un titre issu de son dernier album tekitoi, Rachid Taha enflammera son public avec un rythme pop-rock-baladi orientalisant (produit par Steve Hillage, le producteur de 1, 2, 3 Soleil). Il y a quelques jours, il nous avait confié que « Mick Jones (ex-membre de Clash) trouvait cette nouvelle version meilleure que la leur ». Il bouclera la boucle avec Indie émaillé d'un rap poétique, philosophique, académique et arabisant de Abou Nouass en l'interprétant avec un petit garçon (sa guest star) et pour le remercier, il lui offrira ses lunettes (pour encourager la graine de star). Toutefois, Rachid Taha, selon toute vraisemblance, a évité de chanter Hasbouhoum et Safi qui sont des titres pamphlétaires contre les régimes du monde arabe (politiquement correct oblige !). En guise d'au revoir, il dira : « Merci Alger, à bientôt inch'Allah. Je sais que c'est difficile, mais le combat continue ! » tekitoi/Rachid Taha 1 CD/Barclay, Universal (2004) - Site : www.rachidtaha.com