Inconnu au bataillon, fils d'émigrés, né en France et de nationalité «uniquement algérienne», Rachid Nekkaz clame son ambition de devenir président de la République. Il déclare que sa candidature ne laissera pas indifférent… Le look séducteur, l'homme à la chevelure rebelle, dégage de l'audace, ce qui ne laisse personne indifférent. Il voit loin, même très loin. Palais d'El Mouradia ? Plus que cela, il a déjà tenté d'être président de la France ! Tout est «possible» pour Rachid Nekkaz, premier à avoir déclaré sa candidature à la présidentielle algérienne d'avril 2014. Il l'a fait le 3 juin dernier à partir de Maghnia, à l'ouest du pays, au moment où tout le monde s'interrogeait sur les intentions du locataire d'El Mouradia. Un inconnu au bataillon qui affiche ses ambitions. Rachid Nekkaz est fils de Larbi, originaire de Aïn Merane à Chlef, et de Khadidja, d'un village situé entre les villes de Béjaïa et de Tichy, dont la famille «a été déportée dans l'ouest de l'Algérie suite à la révolte d'El Mokrani». Rachid Nekkaz veut mettre dans son engagement toute l'énergie d'un homme de 41 ans prêt à tout. Même à renoncer à sa nationalité française. Un pas qu'il a franchi le 23 octobre, quand il a remis son passeport français à la préfecture de Créteil, dans la banlieue sud-est de Paris. C'est en fait depuis le 28 août dernier, date de la signature de l'extrait portant perte de sa nationalité française, que Rachid Nekkaz, fils d'émigrés, né à Villeneuve-Saint-Georges, est «uniquement Algérien». Fou, Rachid Nekkaz ? «Les gens que je rencontre dans la rue, ici en Algérie, me disent que je suis fou d'avoir renoncé à la nationalité française», nous dit-il entre deux rires. «Il faut que je montre à chaque fois mon passeport algérien», ajoute le diplômé de la Sorbonne (en histoire et philosophie). Sa décision est «irrévocable». Il ne sera «plus jamais Français». L'homme d'affaires millionnaire veut se donner tous les moyens pour arriver au palais d'El Mouradia. En consentant à perdre sa nationalité française, il se débarrasse d'un obstacle pour se conformer à la loi algérienne avant d'affronter l'autre écueil, celui des parrainages. 75 000 signatures à réunir pour valider son dossier de candidature quand on donnera le feu vert pour se mettre sur les starting-blocks. «Je reçois une moyenne de 2000 mails de soutien par jour. C'est énorme. C'est bon signe», nous apprend-il, optimiste, assurant avoir compté aussi plus de «32 500 promesses de signature». Encore loin du compte. Mais Rachid Nekkaz n'est pas officiellement candidat, pas avant d'avoir passé l'examen des 75 000 signatures sur lequel des candidats, comme Sid Ahmed Ghozali et Moussa Touati, ont déjà buté par le passé. «On n'est jamais à l'abri de mauvaises surprises», reconnaît celui qui a déjà été écarté d'une course à une autre présidentielle, tricolore celle-là. Celle qui a porté en 2007… Nicolas Sarkozy à l'Elysée. «A la dernière ligne, on a fait pression sur 70 maires UMP pour ne pas valider les parrainages», se plaint celui que le Conseil constitutionnel français a poursuivi en justice pour avoir filmé le parrainage monnayé auprès d'un maire en Alsace en 2012 (du nouveau était d'ailleurs attendu pour le 5 décembre). De l'élysée à El Mouradia Des soutiens politiques algériens, le «candidat hors système» dit ne pas en vouloir et avoir «délibérément choisi d'éviter tout contact avec les partis politiques qui font partie du système en général». «Je ne suis en lien avec personne et je n'ai besoin d'avoir de caution que celle du peuple», ajoute-t-il. Cavalier seul, Nekkaz résume ses chances à une simple équation : «Si la jeunesse se mobilise, tout est possible !» En 2007, le neuvième enfant de Larbi et Khadidja avait à peine 35 ans, trop jeune au vu de la loi algérienne pour se placer dans la course à la magistrature suprême. Autrement, il s'y serait fait une place volontiers. «J'étais bloqué par l'exigence de l'âge de 40 ans et plus. Pourtant, pour faire la révolution de 1954, il n'était pas exigé d'avoir plus de 40 ans», s'exclame-t-il, avant d'aboutir à cette conclusion qui veut que «le système a tout fait pour que les jeunes ne se présentent pas à la présidentielle». Convaincu que «ce pays a peur de sa jeunesse», Rachid Nekkaz a une autre certitude : «Ce système a doublement peur de moi, parce que je suis jeune mais aussi fils d'émigrés.» Ses expériences politiques dans l'Hexagone (il a aussi été candidat aux législatives françaises) lui font dire qu'il est plus difficile d'être candidat en France qu'en Algérie. Mieux, il trouve que le système électoral algérien «est plus démocratique», suggérant toutefois qu'en l'absence «d'organes de surveillance, il ne faut pas s'étonner qu'il y ait fraude». Fraude ou pas, en voulant participer au scrutin du printemps prochain, Rachid Nekkaz «veut cautionner le jeu démocratique algérien». Ses chances dans la course ? «Je sens quelque chose», nous dit-il, sans plus. Quelque chose ? C'est peut-être l'image d'un jeune homme à la chevelure rebelle, une écharpe autour du cou, assis dans le siège présidentiel ? L'image est floue. Rachid Nekkaz veut en tout cas jouer toutes ses cartes. Après sa déclaration de Maghnia, il a prit son bâton de pèlerin et entreprend, ces jours-ci, un grand tour à travers le pays. Le 30 novembre il était à Mascara, la 33e wilaya qu'il a jusque-là visitée. Presque autant que l'infatigable Sellal. Caméras de télévision, cortèges et foules en moins. On n'est pas encore en campagne préélectorale, mais Rachid Nekkaz entend mettre les pieds dans les 48 wilayas du pays «avant la fin de l'année». Pour lui, il y a urgence d'une mise à niveau. «Les autres ont une avance sur moi et je dois rattraper mon retard. J'entend dire que je suis là», nous déclare-t-il, satisfait que sa «candidature ait fait écho». «Les gens sont étonnés de voir un candidat-citoyen parce que tout a été dit sur moi, que je suis fils de harki, que je suis Français…», rétorque le candidat qui promet aux jeunes de supprimer l'obligation du service militaire, son thème majeur pour une future campagne incertaine.