Mon fils est en prison pour avoir dit la vérité. Il n'a voulu que le bien de son pays. Je ne souhaite aujourd'hui que le triomphe de la justice et la fin de la hogra dans ce bled pour que Mohamed soit libéré et tous ceux qui ont été injustement incarcérés. » Ces paroles sorties de la bouche de la mère de Mohamed Benchicou riment avec ce qui se passe en Algérie de 2004. Elles sont à la fois le cri d'une mère en détresse et le vœu d'une Algérienne qui a vécu les affres du colonialisme. Malgré le poids des ans, elle s'est fait un point d'honneur afin d'être présente au rassemblement qui s'est tenu, hier, à la maison de la presse Tahar Djaout, à l'appel du comité citoyen pour la libération de Mohamed Benchicou. Fatima Benaïssa, dont le fils est également écroué dans les geôles d'El Bayadh suite à la vague d'arrestations des émeutiers de Labiodh Sidi Cheikh l'année dernière, a fait des centaines de kilomètres pour participer à ce rassemblement. Un rassemblement pour dénoncer et condamner la répression qui s'abat sur les journalistes et les militants des droits de l'homme, mais aussi pour exiger la libération de « tous les détenus d'opinion ». 11h passées, la foule s'est constituée. Des journalistes, des membres des familles Benchicou, Hafnaoui Ghoul et Benaïssa, des militants des droits de l'homme, le collectif du Matin, des représentants du mouvement citoyen de Tizi Ouzou, d'Alger et de Tipaza, des représentants du MDS et de Ahd 54 et des avocats étaient présents. Hamid Ferhi, représentant du mouvement citoyen d'Alger, est le premier à monter à la tribune. « Ce sont des prisonniers politiques », a-t-il tempêté, avant d'appeler la foule à observer une minute de silence à la mémoire de Ali Zamoum, grand combattant pour les libertés et le progrès, qui a tiré sa révérence avant-hier à l'âge de 71 ans. Usurpation Puis c'est au tour de Si El Hafidh Yaha, ancien combattant, de prendre la parole. « Ils ont usurpé le trône pour semer l'injustice, détourner les objectifs de la Révolution de 1954 et spolier les richesses du pays », a-t-il fulminé. Ahmed Ghoul, venu de Djelfa, s'est également exprimé, en restant fidèle au discours de son frère Hafnaoui Benameur Ghoul, condamné pour « outrage et diffamation » par le tribunal de Djelfa. D'autres personnes se sont succédé à la tribune pour condamner, critiquer, dénoncer et passer au crible le régime en place. « Ceux qui croient que nous abdiquons et que ce qui s'est passé avec Benchicou et Ghoul est une fatalité, nous leur disons qu'ils se trompent. La liberté d'expression n'est pas un don du Pouvoir. Elle a été arrachée par le prix du sang des journalistes et autres militants des libertés. Nous devons la préserver et se mobiliser davantage », a appelé Rabah Abdallah, secrétaire général du Syndicat national des journalistes (SNJ). Pour lui, le Pouvoir a démontré qu'« il n'a nullement l'intention d'accompagner les libertés et la démocratie en Algérie ». « La liberté de la presse et d'expression est le combat de chaque instant et non pas de circonstance », a-t-il ajouté, avant d'évoquer la solidarité internationale, notamment avec les journalistes pris en otage en Irak. « Il faut avoir une pieuse pensée à la mémoire du journaliste italien assassiné en Irak vendredi dernier en accomplissant sa noble mission », a-t-il fait remarquer, en rappelant la solidarité internationale dont ont bénéficié les journalistes algériens à chaque fois qu'ils étaient emprisonnés. Hocine Ali, numéro deux du MDS, a qualifié les agissements du Pouvoir en place d'« autoritarisme » qui n'est nullement en faveur de « la réhabilitation de l'Etat algérien », mais qui ternit encore l'image du pays à l'étranger. Belaïd Abrika n'a pas lésiné sur les mots pour descendre en flammes le Pouvoir. « Il faut élargir la mobilisation à tous les niveaux car notre silence est synonyme de complicité. A-t-on aujourd'hui le droit de se taire devant cette injustice ? Nos prisons sont remplies d'honnêtes citoyens. C'est pour cela qu'il faudra se joindre à ce comité pour pouvoir élargir la mobilisation », a-t-il souligné. Hamid Ferhi lui emboîte le pas : « Ce rassemblement est notre première action. Ce n'est qu'un début. Nous allons bientôt nous organiser. » Il a aussi invité la foule à prendre part à la réunion qui se déroulera juste après au siège du Matin, et ce, en vue de préparer l'assemblée générale constitutive du comité citoyen pour la libération de Benchicou, prévue le 9 septembre prochain. Me Miloud Brahimi, qui s'est enquis de l'état de santé de Benchicou avant de venir au rassemblement, s'est montré inquiet. « Mohamed Benchicou souffre beaucoup car son bras droit est à moitié paralysé. Les soins qu'il a subis sont corrects, mais notoirement insuffisants eu égard à la gravité de la maladie qu'il a contractée bien avant qu'il ne soit emprisonné. Malgré toute sa bonne volonté, le service médical de la prison est incapable de gérer des maladies aussi délicates », a-t-il déclaré, ajoutant : « C'est l'occasion d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur la situation de Mohamed Benchicou. » Benchicou, journaliste et directeur de publication du Matin (quotidien suspendu depuis le 23 juillet dernier), a été condamné, rappelle-t-on, à deux ans de prison ferme pour « non-déclaration de bons de caisse ». Il est à signaler enfin l'absence fort remarquée des cadres des partis.