Un climat électrique règne actuellement à l'université. Aussi bien les enseignants que les étudiants se trouvent dans une situation intenable et menacent de se mettre en mouvement pour protester contre la dégradation, à tous points de vue, des universités, dont la place au bas du tableau des classements mondiaux, semble bien méritée. Les assurances du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, la semaine dernière, quant à la prise en charge de la requête des diplômés – fort nombreux – issus du système licence-master-doctorat (LMD) ne semblent pas apaiser les esprits tant la réponse reste en deçà des attentes de ces centaines de milliers d'étudiants et dizaines de milliers d'enseignants. Bien que réel, le problème de la non-reconnaissance du diplôme ne se résume pas au LMD, puisque le DEUA, plus ancien, n'est toujours pas reconnu par la Fonction publique. D'ailleurs, les nombreux détenteurs de ce diplôme, créé en juillet 1990, s'élèvent pour dénoncer la «demi-mesure» du Premier ministre qui consacre ainsi davantage l'injustice entre les diplômés. Dans une lettre rendue publique jeudi, le député Lakhdar Benkhelaf a rappelé à Abdelmalek Sellal la triste réalité de ces diplômés qui militent pour la reconnaissance du DEUA bien avant l'instauration du LMD. Pour ce député, la plus grande aberration est dans le fait que ces diplômés sont contraints de refaire leurs études pour l'obtention d'un autre diplôme (ingénieur d'Etat ou licence) pour espérer accéder au marché public de l'emploi. Outre la question de la reconnaissance des diplômes, l'université est confrontée à un sérieux problème pédagogique, aggravé par des réformes complètement déconnectées de la réalité économique, sociale et culturelle du pays. Cette situation a fait réagir tout récemment les enseignants universitaires à travers leur syndicat, le Conseil national des enseignants du supérieur (CNES) qui tire la sonnette d'alarme et appelle à des mesures d'urgence pour sauver ce qui peut encore l'être. Situation pédagogique lamentable et déplorable, recherche scientifique qui n'en a que le nom, manque d'équipements scientifiques, saturation des places pédagogiques, programmes inadaptés… le constat est tel que les experts appellent à des assises pour redresser l'université et lui donner l'orientation qui est la sienne, à savoir celle de former les compétences nécessaires pour le développement du pays. Tout le monde ou presque s'accorde sur la nécessité d'une réforme du secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Le CNES plus que le ministère de l'Enseignement supérieur. Assurément. La plus grande inconnue reste la nature de cette réforme. Pour les enseignants, outre l'aspect matériel lié à l'évolution de carrière et aux salaires, il y a lieu de refonder carrément la gestion des universités de sorte qu'elles deviennent elles-mêmes créatrices de richesses et stimulatrices de l'esprit d'innovation et de créativité. «La démocratisation de la gestion universitaire est impératif à sa performance et à son développement», estime ainsi le CNES, qui insiste sur l'importance du dialogue pour sauver un «secteur franchement agonisant». Le nouveau ministre est doublement interpellé à la fois par les étudiants qui veulent un meilleur environnement d'apprentissage et de recherche et par les enseignants qui exigent une amélioration nette des conditions de travail à tous les niveaux. La situation est tellement tendue qu'il y a bien risque d'explosion, dans les mois à venir, qui se traduira par des actions de protestation sur le terrain.