Chaque jour, des centaines voire des milliers de projets naissent dans la tête de nombreux algériens. Beaucoup d'entre eux se fracassent contre les lourdeurs administratives et les difficultés d'accès aux financements. Face à ces contraintes bien réelles, le monde virtuel a su trouver la solution : pour le plus grand bonheur des porteurs de projets, il est désormais possible de faire appel à plusieurs individus pour les financer… L'idée n'est pas révolutionnaire, mais elle a mis beaucoup de temps, voire des années pour arriver chez nous en Algérie. Il s'agit du «financement participatif» appelé également «crowdfunding» ou encore «financement par la foule», un mécanisme de financement alternatif au mode de financement traditionnel (banques). Etant donné la jeunesse de la population et un taux de chômage élevé parmi les jeunes de moins de 24 ans, l'Algérie a tout intérêt à développer cette forme de financement à l'avenir. Toutefois, il faut savoir que le développement du crowdfunding qui offre de nouvelles opportunités d'emploi (exploitants de plateformes), demeure tributaire de plusieurs facteurs, à savoir le lancement du paiement en ligne tant attendu, l'adoption d'un cadre réglementaire approprié, ainsi que la sensibilisation des agents économiques à ce nouveau mécanisme de financement. Avant de rentrer dans le vif du sujet, il convient d'abord de définir le crowdfunding. Qu'est-ce que le financement participatif ? Il désigne un mécanisme qui permet de récolter des fonds auprès d'un large public, en vue de financer des projets, qu'ils soient créatifs (musique, édition, film...) ou entrepreneuriaux. Et ce, en utilisant internet et les médias sociaux (pour leur pouvoir de diffusion et leurs faibles coûts de fonctionnement), comme canaux de mise en relation entre les porteurs de projets et les personnes souhaitant participer à leur financement. «L'idée est présente partout dans le monde. Nous n'avons rien inventé», nous dit Karim Mansoura, cofondateur de twiiza.com, la première plateforme de financement participatif en Algérie. En effet, le crowdfunding existe un peu partout dans le monde (en France, USA, Canada...), depuis 2002 et a déjà permis de lever plus de 2,7 milliards de dollars à travers le monde en 2012. Le voilà qui arrive en Algérie avec twiiza.com. A l'origine, karim Mansoura et Nanadir Allam, deux jeunes cofondateurs qui se sont lancés sur les traces du leader mondial, l'américain Kickstarter, la plateforme de financement participatif la plus populaire aux Etats-Unis. Plus de 50 000 projets à plus de 450 millions de dollars ont été fiancés à travers Kickstarter depuis son lancement en 2009. On citera la montre intelligente Pebble, le dernier film de Spike Lee, et la console de jeux Ouya. Karim Mansoura ajoute : «La campagne électorale d'Obama a été financée à hauteur de 150 millions de dollars par le crowdfunding». En évoquant ces exemples, la question suivante se pose d'elle-même : compte tenu du taux de pénétration d'Internet qui demeure faible en Algérie, le web a-t-il le même pouvoir de diffusion qu'à l'étranger pour permettre l'essor des projets ? Espérons que la 3G stimulera la pénétration du haut débit en Algérie. Sinon, le cofondateur de twiiza nous rassure : «Nous visons des porteurs de projets en Algérie et des contributeurs du monde entier, sans distinctions. Le potentiel de contribution est énorme. Il n'y a qu'à voir le nombre d'Algériens dans le monde. Ils voudront sûrement apporter un soutien.» Il faut savoir qu'à travers les opérations de crowdfunding, les contributeurs peuvent devenir acteurs et porter mains forte soit à des initiatives de proximité, ou alors à des projets défendant certaines valeurs. Twiiza… Pourquoi ce nom ? «Et si on simplifiait la tâche aux porteurs de projets». Telle est la mission que s'est assignée twiiza.com, la première plateforme de financement participatif en Algérie. Le terme twiiza a été choisi pour reprendre le terme qui était très utilisé à une certaine époque en Algérie. «Ce terme si fort représente à lui seul l'esprit et les valeurs de nos grands-parents : entraide, solidarité, humanisme et courage. On continue à l'utiliser dans certaines régions. Nous souhaitons lui donner une dimension internationale et plus large (des «twiiza» 2.0)», explique le cofondateur de la plateforme en question. Comment le mécanisme fonctionne t-il ? Le principe est simple : d'un côté, des porteurs de projets présentent leurs projets aux internautes et collectent des fonds, généralement des petits montants, qui, mis en commun, donnent naissance à un budget permettant de financer et concrétiser leurs projets. De l'autre côté, les internautes peuvent participer à une collecte de fonds, nécessaire à la réalisation des projets. Ils peuvent suivre leur évolution, mais aussi soutenir et encourager les entrepreneurs. À quel type de projets et à quelle catégorie d'entreprises s'adresse Twiiza.com ? Twiiza.com s'adresse aux particuliers, associations, entreprises, producteurs, entrepreneurs, porteurs de projets de création d'entreprises, des projets créatifs, innovants, scientifiques, artistiques, sportifs et solidaires. Twiiza.com met donc à la disposition de tous les porteurs de projets qui se plaignent de la difficulté d'accès au financement une solution alternative pour se lancer, avoir de la trésorerie, mais aussi bénéficier d'accompagnement et de soutien. Donc, plus la peine de démarcher la famille ou les amis pour faire une levée de fonds du moment que tout le monde peut s'impliquer. Pour l'instant, il y a trois projets à soutenir sur twiiza.com. Le premier s'intitule «Un meilleur foyer aux orphelins». Il consiste à améliorer le cadre de vie des garçons résidents dans le Centre des Garçons Assistés de St. Hubert, à Oran (aménagement du terrain de football et des espaces verts. Aussi la formation des enfants du centre pour qu'ils puissent eux-mêmes entretenir et faire prospérer ces nouveaux espaces). Le montant global qu'il faut réunir s'élève à 2000 €. Le deuxième projet, quant à lui, consiste à équiper une école primaire à Tipasa d'une salle informatique avec des activités d'initiation et de connexion Internet pour un cout de 2500€. Le projet en question vise à permettre aux élèves de s'ouvrir au monde, de s'ouvrir aux langues et protéger nos enfants des dangers de l'internet. S'agissant du dernier projet, «En route pour le 1er Album», il consiste en la réalisation d'un album par le groupe de musique moderne «Cesariums» pour un montant de 1800 €. Au niveau mondial, selon une enquête réalisée par le cabinet de recherche américain Massolution, la répartition des activités de financement participatif révèle que parmi les projets les plus actifs on retrouve ceux relatifs à la création d'entreprises qui représentent 16,9 % de l'ensemble des activités de financement participatif en 2012. Les projets de type «film et arts de la scène» représentant quant à eux près de 12% du total. Viennent ensuite les projets de type «technologie de l'information et de la communication» qui représentent 5%. «Le porteur de projet sera le seul maître à bord » Mais s'il s'agit de projets créatifs, demander aux citoyens lambda d'intervenir pour les financer ne présente-t-il pas de risque pour le porteur de projet du moment qu'il est obligé de communiquer sur celui-ci pour récolter le plus possible de fonds ? Nous avons posé la question à Karim Mansoura. Ce dernier nous explique que communiquer sur son projet, sur son besoin est nécessaire pour que celui-ci soit validé puis mis en ligne sur twiiza.com. Cependant, le porteur de projet sera le seul maître à bord. Il conserve l'entière propriété intellectuelle de son projet et ne cède pas de «parts» ou de «droits». Pour l'instant et en l'absence d'un cadre réglementaire, les soutiens financiers ne sont pas des investissements, mais des soutiens, des dons. Les internautes pourront prendre part à des aventures humaines, soutenir des projets qu'ils apprécient. Ils ne demanderont ni intérêt ni bénéfice, mais une simple contrepartie en fonction du montant qu'ils donnent. A titre d'exemple, pour le 3e projet sur twiiza, il s'agit d'un album dédicacé, un titre inédit, une rencontre avec le groupe... Les porteurs de projets quant à eux trouveront non seulement une source de financement, mais bien plus. Ils trouveront aussi leurs clients, leur premier public, une vraie histoire se crée ... «C'est aussi un moyen d'encourager les jeunes entrepreneurs pour se lancer et oser», tels sont les propos de notre interlocuteur. Cependant, comme disent certains, «il ne faut pas se leurrer, le moteur principal du financement participatif doit rester la générosité, pas l'envie de devenir millionnaire en quelques clics.» Quel impact sur l'économie algérienne ? Le développement du financement participatif aura certainement un impact économique dans un pays comme l'Algérie où il existe un énorme vivier de projets et le principal obstacle à leur réalisation est le financement. Face à cette difficulté, le crowdfunding constitue une alternative solide pour les entrepreneurs en quête de fonds. Il permettra de booster l'entrepreneuriat et l'esprit entrepreneurial. Et ce, en encourageant les jeunes entrepreneurs à concrétiser leurs projets. Ces derniers donneront naissance à de nouvelles entreprises, principalement des PME, et nous savons tous que cette catégorie d'entreprise est la principale source de création d'emplois, source de dynamisme, d'innovation et de réactivité également. En Algérie et en attendant le paiement en ligne, twiiza propose de recourir au virement bancaire et le mandat postal. Avec ces alternatives, il ne faut surtout pas s'attendre au même impact qu'a le crowdfunding ailleurs, notamment, en Europe occidentale et en Amérique du Nord où il explose. En effet, en se référant aux résultats de l'enquête de l'américain Massolution sur le crowdfunding, le nombre de plateformes de financement participatif actives s'est multiplié par environ 6 depuis 2007. Il s'élève en avril 2013 à 580 plateformes. La majorité d'entre elles est basée en Europe occidentale et en Amérique du Nord. Rares sont donc les plateformes situées au Maghreb. En Tunisie par exemple, Flooosy, la première plateforme de cowdfunding n'a vu le jour que l'année dernière. Les experts du domaine renvoient cela au e-paiement qui peine à s'implanter dans la région.