Le Festival national du théâtre professionnel a été clôturé hier au Théâtre national algérien (TNA) à Alger sur un constat amer. Le jury, présidé par le directeur de la Bibliothèque nationale, Amin Zaoui, a décidé de ne pas octroyer les prix de la meilleure mise en scène, du meilleur texte et du meilleur spectacle. Une décision ovationnée par une partie du public avant-hier soir. « Il n'y avait pas beaucoup de recherche ou de réflexion dans ce que nous avons vu », atteste Amin Zaoui à la suite de la cérémonie qui reproche aux spectacles présentés en cette session le déficit en « prospection expérimentale et en direction d'acteurs ». Le constat est le même chez le critique et dramaturge Bouziane Benachour, membre du jury : « Il n'y avait pas réellement de spectacle qui sortait du lot. Aucun spectacle n'a réussi à rassembler ses propres éléments constitutifs. Car il faut un texte solide, une mise en scène qui dirige vraiment les comédiens, une originalité, de la recherche... » Benachour regrette que le manque de bons metteurs en scène ait été substitué par « des ficelles de comédiens ». Le jury a d'ailleurs considéré que ce festival a été celui des comédiens, valeureux pour avoir donné le meilleur d'eux-mêmes en l'absence de direction des comédiens, à de rares exceptions. « Le fait de ne pas décerner les trois premiers prix est aussi une manière indirecte de demander aux officiels d'ouvrir encore plus le champs aux troupes et compagnies amateurs, de dire qu'il faut en finir avec les monopoles », soutient Benachour qui défend une désacralisation du théâtre au profit des indépendants et desdits amateurs. Pour Mohamed Badawi, auteur dramaturge et journaliste et qui vient de monter une étonnante pièce, Madame Derbouka et Essi El Macho, loin des planches du TNA, la déception est intégrale. « Nous ne réussissons pas à faire du théâtre en saisissant les changements que connaît la société. Nous croyons, depuis les années 1970 avoir compris Brecht en idéalisant le théâtre. Alors que Brecht a déclenché une révolution esthétique avant tout. A quand la nôtre ? », dit-il en fumant une cigarette de dépit dans le hall du TNA. « La question aussi est de savoir si l'on est capable de faire du théâtre populaire », se demande Badawi alors que des jeunes du quartier du square Port-Saïd ironisent sur les choix des chants patriotiques à l'ouverture de la cérémonie. « On attendait Ammar Zahi, en vain, kho ! », lâche l'un d'eux. Le TNA se vide peu à peu. La nuit et les techniciens reprennent leurs droits. « Même pas un prix d'encouragement pour les techniciens du TNA, éclairagistes, décorateurs, régisseurs, etc. Alors qu'on donne un drôle de prix à la ministre », s'étonne un soldat de l'ombre du TNA. Tout le monde repart. Une lampe solitaire illumine la planche légendaire. - Palmarès Prix de la meilleure interprétation féminine, dans le rôle principal : Lamia Boussekine (Nora du Théâtre national algérien) Prix de la meilleure interprétation masculine, dans le rôle principal : Abdelhamid Gouri (Dhayeh, kbih ou medjnoun du Théâtre régional de Annaba) Prix de la meilleure interprétation féminine, dans le rôle secondaire : Nadia Aribi (El Ambrator du Théâtre régional de Batna) Prix de la meilleure interprétation masculine, dans le rôle secondaire : Ali Djebara (Nora du Théâtre national algérien) Prix du meilleur scénographe, ex aequo : Salah Boudjaki (Dhayeh, kbih ou medjnoun du Théâtre régional de Annaba) et Bouzid Chawki (El Ambrator du Théâtre régional de Batna) Prix de la meilleure création musicale : Omar Assou (Rah ikheref, Théâtre régional de Sidi Bel Abbès) Prix de d'honneur du jury, ex aequo : Omar Guendouz (Ayla hayla, Théâtre régional de Béjaïa) et Hamoudi Bachir (Le Divorce, Théâtre régional d'Oran) Prix de « Reconnaissance » à la ministre de la Culture, Mme Khalida Toumi.