La Centrafrique, actuellement déchirée par les violences interreligieuses, connaîtra-t-elle le même sort que le Soudan ? Le risque est visiblement bien réel. En tout cas, des partisans de l'ex-rébellion Séléka brandissent ouvertement la menace de la partition. «Ce que nous sommes en train de faire maintenant n'a pas d'issue. C'est une guerre inutile», a déclaré, dimanche au cours d'une conférence de presse à Bangui, Abakar Sabone, ancien chef rebelle, aujourd'hui conseiller du président Djotodia. «Si le dialogue entre chrétiens et musulmans échoue, il faudra diviser le pays en deux : nous rentrons au Nord et ceux qui veulent rester au Sud restent au Sud, pour qu'il y ait la paix !», a lancé M. Sabone. Affirmant s'exprimer «au nom de la communauté musulmane» et de «chefs de la Séléka», Abakar Sabone était entouré de deux ministres du gouvernement. «Si d'ici une semaine aucune solution pour la paix n'est trouvée, alors tous les musulmans partiront» vers le nord de la RCA, d'où la plupart sont originaires, a-t-il menacé. «Cette déclaration n'engage que lui, ça n'engage pas le Président» Djotodia, a réagi hier matin son porte-parole, Guy Simplice Kodégué. «Il ne peut y avoir de sécession. Nous sommes un pays uni, ça n'arrivera pas. Ces mots s'expliquent par un climat d'exaspération générale», a-t-il commenté. La Séléka est apparue fin 2012 dans le nord de la RCA, aux confins du Tchad et du Soudan, avant de prendre le pouvoir en mars 2013 avec l'aide de mercenaires essentiellement tchadiens. Elle est composée de musulmans (Peuls) qui disent avoir été marginalisés par les chrétiens. Bangui a depuis lors été livrée aux pillages et aux exactions des combattants Séléka. Ces violences ont, par la suite, alimenté la haine des populations contre les musulmans, et plongé, depuis début décembre, la capitale dans un cycle infernal de massacres et de représailles sur fond de course pour le contrôle des ressources naturelles de la RCA. Jusqu'à cette prise de pouvoir par la Séléka, les membres des communautés chrétienne et musulmane vivaient en bonne entente dans ce pays de 4,5 millions d'habitants. A l'origine, le conflit était plus économique que religieux ou ethnique. Il faut dire aussi que les rivalités entre acteurs extrarégionaux ont aggravé la crise. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les milices chrétiennes «anti-balaka» montent régulièrement au créneau pour demander au Tchad de ne plus interférer dans les affaires de la RCA. Un de leur porte-parole a ainsi exigé hier le «retrait immédiat» du Centrafrique des troupes tchadiennes de la force africaine dans ce pays (Misca). «Nous exigeons le retrait immédiat et sans condition des troupes tchadiennes de la Misca», a déclaré Sylvestre Yagouzou, qui s'est présenté comme un porte-parole des «anti-balaka» à Bangui. M. Yagouzou a par ailleurs demandé le cantonnement des ex-Séléka. Il a assuré que les «anti-balaka» étaient d'accord pour être désarmés et cantonnés par les forces centrafricaines, auxquelles ils souhaitent être réinsérés. Les milices «anti-balaka» (anti-machette, en langue locale sango), soutenues par une grande partie de la population chrétienne de la capitale, sont en lutte contre les ex-Séléka musulmans. Les «anti-balaka» ont aussi commis de nombreuses atrocités contre les civils musulmans, qu'ils associent à l'ancienne rébellion. Mélangés à la population, souvent vêtus en civil et disposant d'un armement très sommaire, les «anti-balaka» sont néanmoins très peu structurés, sans commandement ou hiérarchie connus, ce qui risque de compliquer toute opération de rétablissement de la paix en RCA. Et le plus grave est que visiblement la crise en République centrafricaine ne fait que commencer.