Des manifestations ont lieu depuis deux jours dans la capitale centrafricaine Bangui réclamant le départ du président par intérim Michel Djotodia et des troupes étrangères présentes dans le pays en proie à des violences qui ont fait près d'un millier de morts depuis le 5 décembre. Une personne a été tuée lundi et une autre blessée par des tirs de soldats tchadiens de la force africaine en Centrafrique (Misca) lors d'une manifestation rassemblant plusieurs milliers de personnes près de l'entrée de l'aéroport de Bangui alors qu'ils demandaient "le départ", non seulement de M. Djotodia, mais aussi celui des soldats français et tchadiens. Les protestataires ont également dénoncé les opérations de désarmement en cours dans la capitale par l'armée française et la Misca, estimant qu'elles laissent les membres de la communauté musulmane du pays à la merci de la vindicte populaire et des milices chrétiennes d'auto-défense "anti-balaka". Fort d'environ 850 hommes, le contingent tchadien de la Misca (qui compte près de 3.700 militaires) est actuellement en première ligne à Bangui. De nombreux Centrafricains accusent les Tchadiens de la Misca de complicité avec l'ex rebelleion Séléka. Des ressortissants tchadiens ont été la cible ces dernières semaines d'attaques des milices d'autodéfense chrétiennes "anti-balaka" et de la population. Face à cette situation, le Tchad a annoncé le rapatriement de tous ses ressortissants en Centrafrique, et la mise en place d'un mécanisme pour les accueillir sur son territoire et leur apporter l'assistance nécessaire. Ainsi, 200 Tchadiens, en majorité des enfants, des femmes et des vieillards, sont arrivés dimanche à l'aéroport Hassan Djamouss de N'Djaména en provenance de Bangui. 354 autres personnes avaient déjà été rapatriées la veille. Le président tchadien Idriss Déby avait appelé samedi les Centrafricains à "ne pas s'en prendre" aux militaires tchadiens déployés dans leur pays dans le cadre de la force africaine. Le Premier ministre, Kalzeubé Pahimi Deubet, a exhorté les Centrafricains manipulés à se ressaisir afin de préserver la paix et la stabilité régionales. "De même, j'en appelle à mes compatriotes où qu'ils se trouvent épris de paix et de tolérance, à faire preuve de dépassement et de continuer à réserver, avec le même enthousiasme, un accueil chaleureux et l'hospitalité aux frères centrafricains chez nous", a-t-il indiqué. Par ailleurs, en vue de renforcer la Misca, la République démocratique du Congo (RDC) a décidé l'envoi d'un bataillon de 850 hommes, en réponse à la requête des instances de la Communauté économique des Etats d'Afrique Centrale et de l'Union Africaine (UA). Situation militaire relativement calme sur le terrain Dans le reste de la capitale, la situation était relativement calme lundi matin, avec une reprise notable de l'activité. Aucun incident majeur n'a été signalé pendant la nuit de dimanche à lundi. Un des détachements de l'armée française s'est également accroché à Bangui avec un groupe sans doute constitué d'ex-rebelles du Séléka. Selon des résidents sur place, trois éléments armés de l'ex-rébellion Séléka ont été abattus dimanche par l'armée française au cours d'une opération de désarmement dans un quartier nord de Bangui. La mort de ses trois rebelles du Séléka a suscité des manifestations d'hostilité contre l'opération Sangaris, nom de code de l'intervention militaire française en Centrafrique. Une autre manifestation s'est déroulée en fin d'après-midi. Samedi soir, des détonations et des échanges de tirs ont résonné pendant près d'une heure en provenance des quartiers PK12 et PK5, dans le nord de la ville. Selon des habitants de la zone nord, ces affrontements ont impliqué des éléments de l'ex-rébellion Séléka et des miliciens "anti-balaka". Jeudi soir, plus d'une trentaine de personnes, dont un officier tchadien de la force africaine, ont été tuées dans des violences qui ont duré jusqu'à vendredi à Bangui. Une quarantaine de blessés en lien avec ces incidents ont été évacués vers l'hôpital communautaire de Bangui depuis jeudi soir, dont trois sont décédés sur place, selon Médecins sans frontières (MSF). Djotodia réitère son offre de dialogue aux "anti-balaka" Le président centrafricain Michel Djotodia a réitéré son offre de dialogue avec les milices "anti-balaka" pour arriver au désarmement, dont "dépend" la "survie" du pays. Mi-décembre, M. Djotodia avait déjà fait une telle proposition de dialogue aux milices "anti-balaka" (antimachette, en langue sango), en lutte contre les Séléka, dont il est issu. Près d'un millier de personnes ont été tuées depuis le 5 décembre à Bangui et en province dans des violences entre membres des communautés chrétienne et musulmane, selon Amnesty International. La Centrafrique est plongée dans le chaos depuis la prise du pouvoir en mars 2013 par la Séléka, une coalition hétéroclite de groupes armés venus du nord du pays, dont les éléments se sont depuis rendus coupables d'une multitude d'exactions contre les populations chrétiennes qui se livrent à des actes de vengeance en assimilant désormais tous les musulmans à l'ex-rébellion. Jusqu'à cette prise de pouvoir par la Séléka, les membres des communautés chrétienne et musulmane vivaient en bonne entente dans ce pays très pauvre de 4,5 millions d'habitants, majoritairement chrétiens.