La nouvelle dans la littérature algérienne d'expression arabe remonte aux années1920. Jusqu'à cette époque, elle n'était qu'une plante étrangère, amenée d'au-delà des mers par la fantaisie et la mode, et repiquée par force sur notre sol natal. Habib Benassi (1) disait que « la nouvelle est un roman désagrégé en des milliers de morceaux, le chapitre détaché d'un roman. La vie moderne, notre vie est trop variée, complexe et morcelée : nous voulons qu'elle se reflète dans la littérature comme en un cristal anguleux, à facettes mille fois répétées dans toutes les images possibles, et nous exigeons la nouvelle ». En effet, il y a des événements, des faits qui, pour ainsi dire, ne suffiraient pas pour un drame ou un roman, mais qui ont de la profondeur et concentrent dans un instant plus de vie qu'on n'en vivra jamais : la nouvelle les saisit et les enferme dans son cadre étroit. Au début des années 1940, Rédha Houhou a écrit : « Dans la littérature algérienne (d'expression arabe), la nouvelle n'est encore qu'une hôte, mais une hôte qui, semblable au hérisson, chasse peu à peu les maîtres anciens et véritables de leur légitime demeure. » Courte et rapide, légère et pénétrante à la fois, la nouvelle vole d'un objet à l'autre, morcelle la vie en menus détails et arrache des feuilles du grand livre de cette vie. Sa forme peut contenir tout ce qu'il vous plaira : une légère étude de mœurs, aussi bien qu'une raillerie sarcastique et mordante de l'homme et de la société, le profond mystère de l'âme ou le jeu cruel des passions. Critique et universitaire, Makhlouf Ameur(2) a écrit : « Aux années 1920 eurent lieu les premières tentatives de créer une véritable nouvelle. C'était l'époque d'une révision générale de notre littérature, provoquée par la découverte de la littérature française, des nouveaux écrivains arabes, ainsi que des lois sensées de la création. » Beaucoup d'écrivains algériens ont commencé leur carrière avec des contes ou des nouvelles populaires, c'est-à-dire des œuvres, dont le contenu est tiré du patrimoine algérien. Mais si elles n'ont rien ajouté à l'ensemble de la littérature algérienne, ces premières nouvelles ont été malgré tout d'une haute utilité pour notre littérature et lui ont fait accomplir un grand pas en avant. Pour essayer d'être « vrais », les écrivains algériens, qui ont puisé dans le patrimoine, ont employé des noms algériens modernes, ont évité un écart trop visible par rapport aux coutumes et aux événements réels et ont imité le langage du peuple, avec dictons et proverbes. Mohamed Abed(3) a été l'un des premiers nouvellistes algériens d'expression arabe. Ses nouvelles se rapprochaient du caractère et de la manière de la littérature européenne des années 1920. On y découvrait de l'esprit, de la culture, et parfois certaines belles pensées, qui frappaient par leur nouveauté et vérité. Son style était original et brillant jusque dans ses enflures, dans son verbiage. Tous les historiens de la littérature algérienne d'expression arabe sont d'accord pour dire que ses nouvelles représentaient en leur temps un admirable phénomène littéraire : malgré tous leurs défauts, qui existent dans chaque première œuvre, malgré certaines longueurs provenant d'un jeune talent incapable encore de concentrer et de comprimer ses envolées, on y découvrait de la pensée et du sentiment, un caractère et une physionomie bien propres. (1) Originaire de Mechria (w. d'El Bayadh), Habib Benassi a publié des nouvelles dans les années 1930 et 1940. Il est tombé au champ d'honneur en 1957. Il a à son actif un recueil de N. (2) Professeur à l'université de Saïda (3) Né à Biskra. Il est considéré comme le premier « véritable » nouvelliste arabophone.