Première détonation. Est-ce un ballon ou un pneu qui a explosé ? Bab El Oued a eu ses heures dramatiques qui invitent les souvenirs à remonter à la surface. Un attroupement est visible au loin, sur le front de mer. Seconde détonation. Le sourire des enfants enraye définitivement les questions qui taraudent et rassurent sur la teneur des événements. La plage El Kettani est noire de monde, la circulation est ralentie et les agents de la sécurité ne savent plus où donner de la tête. A chaque détonation de baroud, les têtes sont un peu plus enfoncées entre les épaules et les doigts profondément enfoncés dans les oreilles. C'est que ça fait un « baroud » pas possible. Les policiers gesticulent dans tous les sens et essaient de donner un semblant d'ordre à la plage des Sablettes qui s'est fait l'hôte, pour la journée, de troupes folkloriques du Sud. Les badauds sont alignés aux abords du front de mer pour observer les festivités. Seules sont autorisées à entrer dans la fièvre du tindi les personnalités officielles et la presse. Le ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, Chérif Rahmani, est sur place avec quelques autres personnalités. C'est la fête de l'environnement et les troupes folkloriques ont bien l'intention de festoyer. Sans égard pour ce qui les entoure, des hommes d'âge mûr nettoient les barouds pour préparer les prochains coups de feu. En l'air ou sur le sol, les détonations sont soit graves et écrasées soit aiguës et aérées. Une troupe aux costumes kaki fait des rondes de plus en plus petites et s'évase en pas de danse cadencés. Une autre troupe aux couleurs chatoyantes s'enhardit autour d'un bâton tenu par l'un des danseurs et maintenu en l'air. Une petite chorégraphie est donnée en l'honneur du ministre de l'Environnement par un vieil homme et une petite fille drapée de dentelle blanche. Lui anime ses épaules d'un mouvement rythmé, la petite fille l'accompagne en gesticulant de la tête, le regard délicieusement candide. Les habitants de Bab El Oued observaient les festivités de leur balcon autour d'un café posé sur une table basse, visiblement sortie pour l'occasion. La place des Sablettes, oubliée par le sable mais piétinée de toute part, s'est réservée pour l'accueil des troupes folkloriques. La mer en cadeau et les citadins pour décor, le folklore du désert s'est amusé du chamboulement provoqué par sa venue. Les enfants de Bab El Oued s'ingéniaient à imiter les danseurs, les jeunes s'extasiaient de la forme artistique des barouds. Les femmes au balcon en avaient oublié leur fichu et les pickpockets de voler. Les coups de sifflet des policiers semblaient étrangement accompagner les musiques tandis que se mêlaient citadins et danseurs, jeunes et vieux, désert et mer. Un mélange des genres qui n'a pas juré avec le décor. Une mosaïque de culture ou un camaïeu de nuances d'une Algérie aux milles facettes.