Photo : S. Zoheir Par Abderrahmane Semmar Les pétards ont ensanglanté la nuit du Mawlid Ennabaoui que les Algériens ont célébré dimanche dernier au rythme des bruyantes explosions de ces dangereux produits pyrotechniques. Et comme chaque année, de cette fête religieuse et sacrée pour le commun des musulmans, on ne retient, malheureusement, que ces incendies dramatiques qui ravagent des appartements et des maisons entières, ces flux incessants de citoyens prenant d'assaut les urgences des hôpitaux, et l'image terrible de ces jeunes enfants qui garderont à jamais sur leurs corps frêles les séquelles des blessures causées par des explosifs interdits à la vente. Ainsi, en dépit de toutes les mises en garde lancées par la Protection civile, et les recommandations émises par des imams dans les prêches, les étoiles de la nuit de dimanche dernier ont cédé leur place à un véritable florilège de feux d'artifice. Un spectacle explosif qui entraînera plus tard des dégâts irréversibles. Et pour cause, pas une seconde ne passe sans qu'une explosion ne retentisse. A Alger, comme dans toutes les villes du pays, petites ou grandes, dans les rues, des débris de papiers rouges s'entassent et une odeur de soufre empuantit peu à peu l'atmosphère. Celle-ci devenait au fil du temps entièrement irrespirable. Un vent de folie s'empare dès lors de la rue. Les détonations pouvaient parfois atteindre l'ampleur d'une petite bombe. Dans plusieurs cités populaires, les enfants se mettent en groupes sur les balcons et sur les terrasses d'immeubles et s'amusent en jetant les pétards sur les passants, ne réalisant pas le danger de leur geste. De cette frénésie inconsciente, il en résultera pas moins de 30 incendies qui ont semé une panique sans précédent dans tous les faubourgs de la capitale, nous a révélé hier le chargé de la communication à la direction générale de la Protection civile, M. Medjkane. Au moins 7 appartements ont brûlé à Bab El Oued, Birtouta, Gué de Constantine, Bachdjerrah… 2 boutiques et 2 baraques ont été également ravagées par les feux. Ces incendies causés par l'utilisation des produits pyrotechniques n'ont pas épargné les arbres et les voitures. 7 arbres et 9 voitures ont pris feu. Fort heureusement, la mobilisation des pompiers et des équipes de secours a permis d'éviter le pire étant donné qu'aucune victime n'a été déplorée. Néanmoins, 5 blessés ont été recensés par les unités de la Protection civile à Alger. Heureusement, les jours de ces citoyens, 2 hommes, 1 femme et 3 enfants, ne sont pas en danger. Au niveau des hôpitaux, les services des urgences étaient submergés. «Nous n'avons pas soufflé ne serait-ce qu'une seule minute. Durant toute la nuit, nous avons reçu une vingtaine de blessés souffrant de diverses lésions. Nous avons hospitalisé 3 enfants de moins de dix ans souffrant d'une forte hémorragie dans l'œil. 5 adultes se trouvaient également dans un état grave. Malheureusement, nous ne pouvions guère les prendre en charge car nous étions surchargés. On les a orientés par la suite vers d'autres hôpitaux car ils devaient être hospitalisés en urgence», nous a confié hier un médecin du service d'ophtalmologie au CHU Mustapha Pacha. «Cette année, les lésions et les traumatismes en rapport avec les explosions des pétards sont plus graves que ceux que nous avons traités les années précédentes. C'est vous dire que les pétards sont de plus en plus dangereux», explique un autre médecin. Encore sous le choc, il nous confie qu'à ce rythme, le Mawlid s'apparentera à de vrais carnages dans le futur. Aux urgences médico-chirurgicales, le constat est aussi amer. «Nous avons reçu un grand nombre de blessés. Mais nous ne les avons pas comptabilisés car nous étions débordés. Quant personnes mutilées, nous les avons orientées en toute hâte vers des services spécialisés», a révélé hier une source médicale. Selon d'autres sources hospitalières, les autres hôpitaux de la capitale ont eu fort à faire pour prendre en charge les blessés. Dans ce contexte, il est très difficile de dresser un bilan global de cette nuit sanglante du Mawlid Ennabaoui. A Bab El Oued, Zmirli, Beni Messous ou Kouba, la situation était aussi critique. Une question reste enfin en suspens : pourquoi tant de sang pour une fête censée incarner la miséricorde divine ?