Dotée d'une voix exceptionnelle, la chanteuse d'andalou, Lila Borsali, a sorti il y a deux mois aux éditions Papidou son troisième album intitulé Nouba Ghrib. Rencontrée dans le cadre de la tenue du Festival international de la musique andalouse et des musiques anciennes où elle a donné un concert, en duo avec Abbès Righi, l'artiste se livre à cœur ouvert. - Comment a débuté votre carrière musicale ?
J'ai commencé la musique andalouse à l'âge de 11 ans dans ma ville natale, Tlemcen. J'ai intégré l'association Ahbab cheikh Bensari. A l'âge de 18 ans, je me suis exilée en France. Nous avons créé là-bas avec des amis une association musicale portant le nom Les Arts andalous. Une association dans laquelle je suis restée pas loin de 16 ans et où j'ai beaucoup appris en matière d'enseignement. A titre d'exemple, j'ai amélioré ma technique de chant et j'ai changé d'instrument en passant de la mandoline au oud. Je dois reconnaître que j'ai beaucoup œuvré dans le milieu associatif, et ce, dans le seul but de promouvoir notre patrimoine à l'étranger. J'ai regagné définitivement le pays en 2009 où j'ai intégré l'association andalouse les Beaux-Arts d'Alger. En même temps, j'ai commencé une carrière solo. C'est en partie grâce au chef d'orchestre El Hadi Boughoura de cette prestigieuse association que j'ai commencé ma carrière en solo. Il m'a, pour ainsi dire, poussée à enregistrer mon premier album dans le style hawzi en 2009, aux éditions Papidou.
- Votre avez envie, justement, de vous concentrer sur l'enregistrement uniquement des noubas. Preuve en est la sortie de vos deux derniers albums...
Il est vrai que je veux me concentrer uniquement sur l'enregistrement des noubas. J'essaye d'effectuer un travail de recherche. Je ne ferai pas que chanter tout le temps des textes qui ont été déjà été interprétés auparavant. Il faut savoir que l'enregistrement d'une nouba demande au minimum une année. J'ai commencé par la nouba Ral El Dil en 2012. Les éditions Papidou m'ont encouragée à travailler davantage, d'où la sortie, dernièrement, de mon troisième et double album de La nouba Ghrib. C'est toujours la même maison d'édition qui me produit. Mon troisième album devait sortir en avril 2013. Malheureusement, un drame a frappé ma famille. Mon mari est décédé en mars 2013. Je ne pouvais pas reprendre la scène sans lui rendre hommage. Je lui dédie cet album, tout comme je lui ai dédié le concert que j'ai animé dernièrement à la salle Ibn Zeydoun.
- Quels sont les musiciens et artistes qui vous ont influencée ?
J'apprécie plusieurs grands maîtres dont, entre autres, cheikha Tetma, cheikh Larbi Bensari, Abdelkrim Dali et Abdelkrim Bensid. Ce dernier a été mon professeur à Paris. Il faut dire également que Beihdja Rahal reste un modèle pour moi. Elle est restée fidèle à un seul style. Elle a le même fil conducteur. Je vois les choses de la même manière qu'elle.
- La musique andalouse, vous en avez fait votre métier définitif ?
Je suis de formation architecte designer. Depuis que je suis rentrée à Alger en 2009, je n'ai fait que de la musique, car je ne sais pas faire les choses à moitié. Il est clair qu'on ne peut pas vivre de ce métier. Avant, j'avais mon défunt mari qui me soutenait. Maintenant, je vais faire autre chose et moins de concerts. Au lieu de faire une nouba en une année, je mettrai deux ans. Je resterai toujours dans ce travail. La musique me fait nourrir l'esprit et me fait avancer. Je ne peux pas m'en passer.
- Quel regard portez-vous sur le travail qui se fait actuellement au niveau des associations musicales andalouses ?
Je salue le travail de toutes les associations andalouses. Je leur tire chapeau. Je suis fière de voir que partout en Algérie des associations naissent. Je salue également les associations qui sont loin d'Alger et de Tlemcen, lesquelles sont implantées dans de petites villes. Ces dernières ne sont pas de tradition andalouse, mais font un travail incroyable.
- Pourriez-vous revenir sur le travail en duo que vous avez présenté avec Abbès Righi à l'occasion du Festival international de la musique andalouse ancienne ?
Il s'agit d'un nouveau travail que nous avons concocté à l'occasion du Festival international de la musique andalouse. Il est vrai que nous avons parlé Abbès et moi de ce projet à Oran il y a quelques mois déjà. C'est un travail de collaboration exceptionnelle. Nous avons mis deux jours pour monter ce projet. Nous avons pris beaucoup de plaisir à partager ce projet musical. Nous avons essayé de cohabiter un peu comme en Andalousie (rire). Le répertoire choisi a oscillé entre des morceaux constantinois et tlemceniens. Chacun d'entre nous a gardé son cachet particulier.