Ne plus emprisonner le corps de l'homme Ne plus se sentir seul dans le bâillement de l'impuissance Quel coursier chevauche mes cavalcades d'étroites hardiesses ? Quel angle de tir ensoleille le mur d'en face ? Quelles bouffées de vie harcèlent le fleuve d'absence ? écrit le poète Djamel Amrani, disparu le 2 mars 2005. Signes arrachés à la patrie de la mort. Mots qui effritent les linceuls quand le mort saisit le vif et font jaillir de la reviviscence en cette thébaïde où la solitude cherche cette « pureté perdue dans le secret ». En hommage à ce poète disparu, l'association culturelle Cadmos, en collaboration avec l'Office national de la culture et de l'information (ONCI), a initié la rencontre « A Fron-tiers de poésie ». Elle a débuté dimanche à la salle El Mougar, à Alger. A cette occasion, le poète et écrivain libanais Salah Stétié a présenté une communication intitulée « Djamel Amrani entre perte et pureté ». Les deux poètes se connaissent par correspondance. « Il m'a écrit une vingtaine de lettres », relève Salah Stétié. Ce dernier est imprégné de la culture algérienne. D'autant que l'Algérie, comme le Liban, est à ses yeux une mosaïque de cultures. « Le Libanais que je suis, issu d'un pays où les communautés existent fortement dans le second plateau de la balance de l'appartenance nationale, où les langues aussi foisonnent et où s'instaure, à l'intérieur du même, un mystérieux dialogue interculturel et interlinguistique, le Libanais... que je suis ne peut qu'être profondément sensible, dans l'unité de ce pays qu'est l'Algérie, à la multiplicité féconde de ses voix disantes et parlantes », indique l'intervenant. Exemple de ces voix, il cite Sidi Qaddour El Alami, cheikh El Djilali, Mohammed Ben Ali Ould Emzine, cheikh El Hasnaoui, Slimane Azem et El Hadj M'hamed El Anka, entre autres. Il rappelle avoir croisé des hommes de culture algérienne, à l'exemple de Jean Amrouche, « chantre de l'Algérie combattante et blessée », et sa sœur Marguerite-Taous dont Les chants berbères de Kabylie ont « parfois accompagné mes rêveries », Malek Haddad, Mohammed Dib, Kateb Yacine, Noureddine Abbo et Jean Sénac. A propos de Djamel Amrani, il souligne la fidélité du poète à son « exigence initiale », laquelle consiste à dire la « vérité de son être au monde (...) à travers des mots de plus en plus nus, une poésie de plus en plus dépouillée de quelque faux-semblant que ce soit ». Et cela avec « cette fièvre en qui tout balbutie comme bulles de magma rutilant de ce qui est éruption de soi et éruption des images du monde jaillissant sous la même pression ». (...) Les embruns boivent ma solitude la lune se croise les bras Tout dort je n'attends plus rien (...)Salah Stétié reprend d'autres vers du poète comme ce fragment : Jour phréatique le vent intérieur qui avalise le sommeil derrière ses saisons futiles. Suivent d'autres vers de Dans une autre présence : Oui, tout s'éveille à présent Tout s'éclaire dans la nuit que la lumière assiège Ma présence s'est précipitée dans une autre présence et notre unité immense franchit le temps. De son côté, le collectif de recherche et essai en musique El Hamaïem El Bidh (Les Colombes) de Tunisie a animé un concert de musique. Un collectif investi dans la chanson à texte et engagée. Ainsi sont chantés des poèmes de Mnaouer Smadeh, Fouad Nedj, cheikh Imam et Mahmoud Derwiche, entre autres. Notons que la rencontre « A Front-tiers de poésie » se poursuivra jusqu'à jeudi.