Le 16 janvier 2013, les hommes de Mokhtar Belmokhtar prenaient d'assaut le site gazier de Tinguentourine à In Amenas. Bilan : 37 personnes tuées dont un Algérien. Un an après, les enquêtes sont toujours en cours pour déterminer les circonstances exactes de cette prise d'otage. El Watan Week-end s'est procuré de nouveaux éléments. Etait-il possible de sauver la vie des otages ? Pourquoi les Algériens ont-ils tenu à garder leur opération secrète ? Où se trouvent les terroristes qui ont pu s'échapper ? Un an après l'attaque du site gazier de Tiguentourine, de nombreuses questions n'ont pas été totalement élucidées. El Watan Week-end a réussi à se procurer de nouveaux éléments du dossier. Pourquoi les Algériens ont-ils tenu à garder leur opération secrète ? Si l'armée a réussi son intervention, selon une source sécuritaire, c'est parce qu'elle a tenu l'heure de l'attaque secrète jusqu'à la dernière minute. Face aux pressions des gouvernements occidentaux et asiatiques, en particulier la Grande-Bretagne, qui craignait pour la vie de ses ressortissants, le plan était simple : interdire toutes les communications téléphoniques entre la Présidence et le commandement de l'armée au profit de messages codés, pour que les Américains n'arrivent pas à connaître l'heure de l'attaque. Ahmed Gaïd-Salah avait même donné carte blanche au commandant sur place, à In Amenas, à la tête de la 4e Région militaire, pour prendre toute décision qu'il estimait nécessaire.
Aurait-il été possible de sauver plus d'otages ? La reconstitution des faits, à Ouargla, en mars dernier, par les katibas 18 et 12 (escadrons de 550 à 1000 soldats, ndlr), le groupe d'intervention de la Gendarmerie nationale et le GIS (DRS), a permis de comprendre comment les otages ont été tués et de fournir plus de détails aux enquêteurs. «Pour sauver davantage d'otages, il aurait fallu disposer de plus d'informations avant l'attaque et couper la route aux terroristes avant qu'ils n'entrent dans la base», explique-t-on. Selon les militaires qui ont participé à cette opération, pour sauver d'autres otages, il aurait fallu «céder aux provocations» et fournir à Abderrahmane El Nigiri qui demandait des véhicules 4x4 et l'ouverture d'une route sécurisée. «Si la décision a été prise de libérer les otages de force, il a été aussi décidé d'identifier grâce à des méthodes d'espionnage et d'écoute les zones du site où se trouvaient les terroristes», précise une source militaire. C'est ainsi que plusieurs éléments des forces spéciales se sont introduits dans la base en tenue de travail, et par cette technique, ont pu obtenir des renseignements sur le nombre de terroristes. Reste-t-il des terroristes en vie ? Plus de 30 terroristes ont été tués (de 32 à 38, selon les sources), 7 ont été arrêtés, dont 4 condamnés à perpétuité pour une autre affaire de terrorisme par le tribunal de Ouargla, et 2 autres impliqués directement dans l'attaque ont pu s'échapper (en plus de Mokhtar Belmokhtar). Les Français recherchent, depuis mars 2013, l'homme responsable de la mort de 9 otages : Khelifa Ould Gok. Né en 1978 à Ghadamès, à l'ouest de la Libye, ce Tergui d'origine libyenne était proche de Mokhtar Belmokhtar et d'Abou Ishaq El Afghani, expert en explosifs, élément important d'Aqmi, tué dans l'attaque d'une caserne au nord de la Mauritanie. Recherché en Libye, il aurait rejoint les Phalangistes enturbannés en 1999. Mokhtar Belmokhtar lui aurait demandé de préparer des mines et des ceintures de TNT pouvant exploser à distance. Selon des rapports sécuritaires, l'Algérie a communiqué son identité aux Français. Il se trouverait en ce moment avec Mokhtar Belmokhtar, au nord du Mali. Que disent les rapports sur les terroristes ? Selon les enquêtes sécuritaires, Lamine Bencheneb et Aberrahmane El Nigiri auraient commis plusieurs erreurs. Inexpérimentés, comparé aux autres membres du Mujao, ils ont continué à communiquer par téléphone, ce qui a permis aux forces de sécurité de les localiser. Si El Nigiri avait quitté la base dans la demi-heure qui a suivi l'attaque, il aurait réussi à s'enfuir avec les otages, les Algériens ayant mis une heure et demie à les encercler. Enfin, les terroristes ont choisi de garder les otages algériens, estimant que cela empêcherait l'armée d'attaquer. El Nigiri a compris son erreur trop tard et a rapidement été dépassé par les événements. Connaît-on toute la vérité sur la mort des otages ? Selon des rapports de médecins légistes, certains otages ont été tués à bout portant. Les terroristes en ont décapité deux, dont un Japonais. Dix autres ont été tués par l'explosion de ceintures pendant l'attaque de l'armée. Les certificats de décès ont été établis sur la base de ces rapports. Le 18 janvier, le Haut Conseil de sécurité nationale a chargé trois médecins légistes et d'autres experts de se déplacer à In Amenas pour identifier les corps des terroristes et des otages, et la cause de la mort. Ils ont décidé d'accélérer la procédure pour que les autres pays occidentaux ne s'ingèrent pas dans le dossier. En collaboration avec le procureur général d'Illizi, les experts étaient chargés d'établir des rapports et des certificats de décès grâce aux empreintes – surtout pour les travailleurs étrangers – trouvées dans les dossiers de l'entreprise où ils travaillaient. Pour neuf corps, il fallu avoir recours aux tests ADN.