L'opération militaire exceptionnelle de l'ANP contre le groupe El-Mouakine bi dima (Les Signataires par le sang), groupe récemment créé par Mokhtar Belmokhtar, a donné lieu à des explications contradictoires des gouvernements, experts et médias. 72 heures après le premier assaut, Liberté tente une explication sur une affaire très complexe et une prise d'otages industrielle que l'Algérie a eu à gérer. Comment s'est préparée l'attaque et pourquoi ? L'attaque terroriste et la prise d'otages qui s'en est suivie trouve ses racines dans plusieurs évènements, jusque-là secrets, que Liberté est en mesure de révéler. On soupçonnaient depuis 2 mois et demi que Mokhtar Belmokhtar, dissident d'Aqmi et du Mujao, a décidé de frapper un grand coup contre l'Algérie et les puissances occidentales. C'est, paradoxalement, à... Tripoli libérée que s'est tenue la première réunion regroupant Belmokhtar avec des éléments ayant quitté Aqmi pour rejoindre El-Moultahimoune (Les Enturbannés), à leur tête le chef du commando d'In Amenas, Mohamed-Lamine Bouchneb, dit Taher, venu avec son organisation. Le choix de la Libye était non seulement évident mais judicieux. Alors que Belmokhtar était signalé au Mali, en Mauritanie ou au Burkina Faso, sous la protection bienveillante de son ami, l'imam Chafi, c'est dans un Tripoli chaotique, encore sous la fièvre de l'après-Kadhafi, que Belmokhtar est parti faire du shopping, chez ses nouveaux amis salafistes libyens qui avaient mis la main sur un arsenal impressionnant. La liste des courses de Belmokhtar était édifiante : missiles sol-air (Manpads), RPG7, nouvelle génération, mitrailleuses FMPK, 6,65mm, montées sur treuils pour 4x4, AK47... C'est son bras droit Bouchneb, qui dirigeait l'organisation Fils du Sahara pour la justice islamique, un regroupement de contrebandiers et de trafiquants de drogue connu dans le Sud-Est algérien, qui lui a débrouillé cette rencontre et les planques à Tripoli où Belmokhtar a séjourné durant 18 jours sans être inquiété, ni par le gouvernement transitoire libyen et encore moins par les milices salafistes. Le chef du commando, tué dans l'après-midi du jeudi, était l'homme-clé de cette opération. Au-delà de son pédigrée djihadiste (attaque contre un aéroport militaire à Djanet en 2008 ou l'enlèvement de l'otage italienne), Bouchneb était celui qui contrôlait les cartels de la drogue vers la Libye. C'était “l'homme d'affaires" de Belmokhtar et celui qui avait organisé les filières de la contrebande vers la Libye. Originaire d'Illizi, Bouchneb connaît chaque recoin de la région et joue à merveille sur les subtilités tribales et régionales. Il connaissait l'offre et la demande. Il avait, par exemple, réussi à troquer 13 véhicules 4x4 neufs, sortis des garages de la garde personnelle de Kadhafi que les milices libyennes avaient récupérés, contre quelques têtes de mouton, deux citernes de kérosène et même des écrans plasma ! Avec la rupture entre Belmokhtar et l'“émir" Abou Zeïd, Belaouer voulait frapper un grand coup pour imposer sa nouvelle organisation dans l'échiquier terroriste du Sahel. Entre Aqmi, le Mujao, Ansar Eddine et les autres factions indépendantes, Belmokhtar se devait de rappeler à tout le monde que l'“émir" du Sahara, c'était lui. Que le fils de Ghardaïa avait encore son influence et qu'il fallait compter avec lui. Et c'est Lamine Bouchneb qui va lui ramener l'objectif qui allait lui donner cette résonance internationale qu'il cherchait. Base de BP : pourquoi tant de facilités ? C'est le site de Tiguentourine d'In Amenas qui allait être choisi. Et c'est loin d'être un hasard. Non seulement le complexe de British Petrolium (BP) était une cible à fort potentiel médiatique, qui présente l'avantage d'être à un jet de pierre de la frontière libyenne d'où est venu le commando terroriste qui s'est introduit sur le territoire algérien à 2 heures du matin, mais il avait la particularité d'employer des... parents de terroristes. Liberté est ainsi en mesure de révéler que la firme britannique BP employait, à travers un contractant local, une société de transport de marchandises qui appartient à la famille Ghediri qui n'est autre que celle du frère de... Abou Zeïd, le chef d'Aqmi au Sud, de son vrai nom Ghediri Abdelhamid. Bouchneb y a fait recruter des membres de sa famille ; et la société a prospéré grâce aux contrats avec BP. Cette société basée sous une Sarl légalement enregistrée à Ouargla écumait avec sa flotte de camions, au moins une trentaine de semi-remorques, le site d'In Amenas depuis au moins 3 ans mais assurait également le transport logistique entre les bases de vie de BP et leurs sites à Illizi ou In Salah. Les terroristes qui ont investi le complexe gazier savaient pratiquement tout du dispositif sécuritaire et logistique de la base. Ils ont intercepté le bus des expatriés à l'heure même où il démarrait vers l'aéroport. Ils ont tenté de suite d'empêcher les travailleurs de couper les pompes de gaz qui alimentent les turbines. Ils ont, dès les premières secondes, détruit les interrupteurs électriques. Toute cette connaissance n'aurait jamais été possible sans des “guides" connaissant la base de l'intérieur. Pourtant, de nombreux employés étaient soupçonnés de faire partie d'un réseau de soutien au terrorisme et le frère d'Abou Zeïd a, maintes fois, été interpellé pour enquête. Mais à chaque fois, malgré les avertissements algériens, la compagnie britannique, mise au courant des faits, n'a pas résilié le contrat avec la société du frère du chef d'Aqmi au Sud. Pis, les spécialistes du HSE (Hygiène sécurité et environnement) de BP, qui viennent régulièrement de Londres “cheker" la sécurité des sites BP en Algérie, sans aucune interférence ni de Sonatrach ou de Statoil, leurs partenaires sur ce gisement, ne semblent pas avoir découvert cette faille sécuritaire. Et quand on constate les interrogations légitimes de ceux qui se demandent comment cela a-t-il pu arriver ou les réactions intempestives du Premier Ministre britannique, David Cameron, on se demande si les services de renseignements britanniques du MI-6, qui n'étaient pas dans l'ignorance d'une telle anomalie, ou la direction générale de BP l'ont tenu informé que, sur leur principal site en Algérie, des individus suspects travaillaient pour... eux. Ceci pour les complicités internes avérées. Sur le plan de la protection du site qui incombe donc aux Britanniques, faire le procès de l'Algérie est tel que cela équivaut à critiquer l'Armée algérienne de ne pas protéger l'intérieur des... ambassades étrangères. C'est une question de souveraineté, et BP avait, à travers son HSE, tout le loisir de protéger son propre site sans assistance algérienne. Ce qui a été fait puisque le site était censé être protégé par une société de gardiennage privée dont on ne connaît ni les capacités réelles ni les compétences exactes. À charge au gouvernement algérien de sécuriser les alentours du site (comme le positionnement d'une brigade de la Gendarmerie nationale jouxtant la base BP) ou du moins les alentours du site comme avec des barrages mobiles de la Gendarmerie nationale. L'armée n'étant appelée qu'en cas de coup dur puisque sa mission est de balayer les frontières et de lutter contre le terrorisme là où il se trouve. C'est-à-dire dans le cas présent, à la frontière algéro-libyenne où les groupes terroristes ont décidé de tester les défenses militaires algériennes. Les otages de bouclier humain à bouclier médiatique ! Actuellement, la situation est critique. Entre 8 et 10 terroristes se sont retranchés dans le complexe gazier de BP, menaçant les otages restants, estimés à une trentaine. Tous les accès ont été minés avec des explosifs cassants et les terroristes sont dans une logique suicidaire. Ils avaient de quoi faire sauter le complexe gazier et les otages avec et de rayer de la carte la ville d'In Amenas et ses habitants. Les spécialistes estiment qu'ils “sont dans une situation psychologique extrême". Après avoir utilisé les otages comme boucliers humains (avec des ceintures explosives sans détonateurs), puis “boucliers médiatiques" — ils ont torturé psychologiquement les otages afin qu'ils téléphonent à leurs gouvernements respectifs pour décrire une situation dramatique et obtenir de faire pression sur Alger, ce qui a été en partie réussi —, l'attaque d'In Amenas n'est pas encore terminée. Après que Washington, Londres, Paris ou Tokyo se sont fait copieusement intoxiquer par la propagande apocalyptique des terroristes via notamment l'agence ANI mauritanienne, ces derniers veulent obtenir un couloir terrestre, avec des otages, pour se replier vers la... Libye. Encore elle. Couloir qui serait garanti par les puissances occidentales qui ont des otages. Mais au regard du changement perceptible des capitales occidentales qui mesurent, de mieux en mieux au fil de la crise, que l'Armée algérienne gère au mieux cette situation unique dans les annales du terrorisme, ils risquent de ne pas obtenir gain de cause. Le tout est de savoir s'ils commettront l'irréparable. Car, alors que l'opération est en cours, Liberté a appris qu'une deuxième vague de colonne terroriste est en train de préparer une opération de sauvetage de leurs amis terroristes à Ghadamès. 60 pick-up surarmés ont été signalés dans la nuit se dirigeant vers les frontières algériennes. L'affaire d'In Amenas n'est que le début de la contre-offensive terroriste à l'intervention française au Mali. M B.