Comme il fallait s'y attendre, la tension qui a marqué le début des travaux de la conférence internationale sur la paix en Syrie, mercredi dernier à Montreux, déteint sur les négociations directes qui devaient commencer hier à Genève. En fait, il n'y a eu tout bonnement pas de contact direct entre les représentants du régime de Bachar Al Assad et ceux de l'opposition. Les deux camps ne se supportent pas, même du regard… L'émissaire de l'ONU pour le conflit syrien, Lakhdar Brahimi, a cru pouvoir réunir les deux protagonistes autour d'une même table pour arrêter une feuille de route et s'entendre sur la conduite à tenir. Peine perdue, puisque l'opposition a refusé de s'asseoir à la même table que le régime, arguant du fait que le gouvernement syrien devait accepter le principe d'un gouvernement de transition sans Al Assad avant toute négociation directe. Le porte-parole du régime menace de se retirer C'est là un mur en béton que l'opposition dite en exil a dressé devant la conférence censée aboutir à un compromis. Réplique toute aussi insurmontable : Walid Mouallem, le porte-voix du régime, a menacé de se retirer des négociations. Il a d'ailleurs posé un ultimatum à Lakhdar Brahimi lors d'une réunion bilatérale : sa délégation «quittera Genève si des séances de travail sérieuses ne sont pas tenues demain» (aujourd'hui, ndlr).Walid Mouallem a estimé que «l'autre partie (est) peu sérieuse et pas prête» aux pourparlers de paix. «Le problème de ces gens est qu'ils ne veulent pas faire la paix, ils viennent ici avec des pré-conditions», a-t-il ajouté. Le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Fayçal Moqdad, en rajoute une couche au scepticisme ambiant en qualifiant la revendication d'un départ d'Al Assad d'«illusion».Autrement dit, ça commence vraiment mal à Genève. On ne voit vraiment pas comment ce rendez-vous diplomatique, laborieusement préparé par les Russes et les Américains, pourrait accoucher d'une paix quand les deux acteurs ne consentent même pas à se tenir l'un en face de l'autre.«Nous ne voulons pas nous asseoir avec eux tant que le régime n'aura pas accepté Genève 1», a affirmé Nazir Al Hakim, membre de la délégation de l'opposition. Mais les représentants du régime ne l'entendent pas de cette oreille. Pour eux, il n'a jamais été noté expressément à Genève 1 que le président Al Assad devait être exclu d'une éventuelle transition politique. C'est là le nœud gordien de cette conférence internationale devant faire la paix entre Syriens à Genève. Insupportables même du regard… Mais si la conférence a fini par avoir lieu, la paix, elle, semble de moins en moins à portée de main compte tenu des positions irréconciliables des deux camps. Mais le médiateur international Lakhdar Brahimi ne perd pas espoir de pouvoir leur faire entendre raison. Une porte-parole de l'ONU à Genève, Alessandra Vellucci, a ainsi déclaré que M. Brahimi allait rencontrer les opposants conduits par le chef de la Coalition syrienne, Ahmad Jarba, à 15h GMT. «Il faut être patient et voir le processus se développer», a-t-elle ajouté. Une patience qui a tout de même des limites objectives. Diplomates et observateurs ne se font pas d'illusion sur la capacité de Lakhdar Brahimi à convaincre les deux acteurs du conflit d'afficher une disponibilité à négocier. Ceci, bien que tout le monde soit d'accord pour souligner la première victoire d'avoir pu ramener les deux parties à Genève. Et c'est une petite brèche ouverte dans le grand mur qui sépare les uns et des autres. Lakhdar Brahimi et les grandes puissances pourraient ainsi faire contre mauvaise fortune bon cœur. Faute d'un consensus sur la question centrale de l'avenir d'Al Assad, ils pourraient se concentrer et se contenter pour l'instant d'arracher des mesures pratiques visant à soulager la population. Ce serait déjà pas mal comme acquis pour un format de négociation qui prend l'allure d'une mission impossible.