Après deux décennies d'entrisme, le Mouvement de la société pour la paix (MSP) opte pour le boycott de l'élection présidentielle, ouvrant ainsi un nouveau chapitre de son histoire. Alors qu'au moins deux courants, l'un représenté par Abderrazak Makri et l'autre par Aboudjerra Soltani, se livrent à l'intérieur du MSP à une guerre de tranchées à propos de la candidature à l'élection présidentielle, le madjliss echoura (conseil consultatif) a décidé de changer de cap. Les membres de cette instance délibérante du parti islamiste ont opté pour le boycott de l'élection présidentielle. Une décision aussi surprenante qu'inhabituelle pour un parti qui a pratiquement toujours soutenu les pouvoirs successifs depuis l'ère Zeroual. Cette décision du conseil consultatif est avant tout une victoire en demi-teinte pour l'actuel président du parti. Abderrezak Makri compte, en effet, parmi les radicaux du MSP. Il fait partie d'une aile qui s'est toujours opposée à l'entrée au gouvernement. Mais son combat est mené à l'intérieur des structures de sa formation. S'il a toujours porté cette casquette d'irréductible, le président du MSP a su agir en coulisses et attendre son heure. «J'ai refusé, à plusieurs reprises, des postes ministériels. Je n'ai jamais été animé par la recherche du pouvoir», a confié récemment l'ancien député de M'sila à une chaîne de télévision privée. Après l'intronisation de Makri à la tête du parti en 2012, la presse avait fait état d'un deal passé entre ce dernier et son prédécesseur de sorte à permettre à Aboudjerra Soltani d'être le candidat du MSP lors de la Présidentielle de 2014. Mais Abderrazak Makri semble avoir pris de court l'ancien président. Il s'est empressé d'annoncer, en décembre dernier, que le conseil national lui avait donné mandat afin de trancher la question de la Présidentielle. «Il est logique que tout parti qui participe à la Présidentielle présente son président comme candidat. Si le MSP participe à l'élection, il sera alors représenté par son président», avait-il même conclu. Les premiers discours de Abderrazak Makri en tant que président du MSP se veulent une rupture avec ce qui se faisait jusque-là. Si Aboudjerra Soltani s'était toujours arrangé pour se faire une place à côté des deux autres partis qui ont composé l'Alliance présidentielle, Makri veut, lui, jouer son va-tout, le redéploiement. Poussé par le vent qui a porté les partis islamistes au pouvoir en Tunisie, au Maroc et en Egypte, l'actuel président du MSP veut ainsi redonner une virginité à son parti à travers une opposition tous azimuts au pouvoir en place. Pour donner des contours plus idéologiques à sa nouvelle démarche, le chef du MSP s'est allié avec deux autres formations de la mouvance islamiste, Ennahda et El Islah, deux partis «volés» à leur chef fondateur, Abdallah Djaballah. Une première dans les annales politiques algériennes. Cette politique de l'opposition n'a pas forcément payé. Lors des législatives de mai 2012, le MSP est arrivé en quatrième position avec moins de 50 députés. Aux élections locales, le parti fondé en 1991 par Mahfoud Nahnah est arrivé derrière de nouvelles formations comme le MPA. Il est vrai qu'en plus des préjudices causés par l'entrée au gouvernement, l'ex-Hamas a dû faire face à des vagues de démissions. Des cadres importants, à l'image de Abdelmadjid Menasra et Amar Ghoul, ont quitté le navire en pleine tempête, emmenant avec eux des dizaines, voire des centaines de militants. La décision de boycotter la Présidentielle s'inscrit-elle dans cette logique de repositionnement ? S'agit-il plutôt d'un retrait tactique ? Selon certains observateurs de la scène politique, les deux options sont possibles. Preuve en est que le MSP a déjà commencé, il y a quelques mois, à se concerter avec d'autres partis de l'opposition, notamment le RCD. Aujourd'hui, ils sont tous deux engagés dans une campagne pour un boycott actif.