Près d'un millier de magistrats pourraient être mobilisés pour la supervision de l'élection présidentielle prévue le 17 avril prochain. Une aubaine qui permettra aux autorités de mettre en veilleuse les grandes affaires de corruption qui pourraient servir ou desservir les uns et les autres. L'opinion publique devra attendre l'après 17 avril pour connaître la suite des grandes affaires pendantes au niveau de la justice en raison de la mobilisation de près d'un millier de magistrats pour la supervision de l'élection présidentielle. Dans quelques jours, cette armée de juges sera détachée de ses fonctions pour ne s'occuper que de l'organisation du scrutin, et ce, jusqu'à la proclamation des résultats. Leurs tâches au niveau des tribunaux, cours et autres juridictions, passeront en seconde position, pour ne pas dire en mode veille. Ainsi, tous les grands dossiers de corruption en instruction, et les affaires en attente de procès, comme celles de Khalifa, de l'autoroute Est-Ouest, de l'assassinat de Ali Tounsi, patron de la Sûreté nationale, de Sonatrach 1, pour ne parler que de celles-là, seront renvoyés à l'après-présidentielle. Ce qui pourrait servir les intérêts de ceux qui ont intérêt à ce que les dossiers de corruption ne viennent pas parasiter la campagne électorale, notamment des partisans du quatrième mandat et leurs parrains tapis dans les rouages de l'Etat. Ces derniers, faut-il le préciser, sont prêts à tout pour que les vrais bénéficiaires des pots-de-vin, versés en contrepartie de contrats dans le domaine de l'énergie, ne soient ni dévoilés ni inquiétés. N'a-t-on pas attendu jusqu'au retour des commissions rogatoires de Suisse pour que le juge du pôle pénal spécialisé d'Alger décide de lancer des mandats d'arrêt contre Réda Hemche, ancien chef de cabinet du PDG de Sonatrach et homme de confiance de l'ex-ministre de l'Energie, Chakib Khelil, alors qu'il avait été largement cité dans le dossier de Sonatrach 1 par les nombreux prévenus ? D'ailleurs il est important de signaler qu'à ce jour, Hemche, qui vivait en Suisse, de nationalité turque, n'a toujours pas été arrêté. Ce qui suppose qu'il a quitté le territoire helvétique avec son épouse, une ressortissante turque dont le nom aurait été cité à plusieurs reprises en raison de ses supposés liens avec des sociétés turques ayant bénéficié de contrats auprès de Sonatrach. Des interrogations pèsent également sur le sort des autres personnalités concernées par les mandats d'arrêt internationaux – à l'image entre autres de Omar Habour, un homme d'affaires très puissant, influent dans l'Oranie, proche et associé de Chakib Khelil, qui vit entre la Suisse et les Etats-Unis, ou encore Farid Bédjaoui, qui avait servi d'intermédiaire dans des rétrocessions de commissions en contrepartie de contrats – qui n'ont toujours pas été exécutés par les pays qui les hébergent et leur accordent l'immunité en raison du cafouillage dans lequel a été géré ce dossier. En effet, lorsqu'un juge de la compétence de celui de la 9e Chambre du pole pénal spécialisé d'Alger, qui instruit le dossier, laisse passer un vice de forme dans la procédure contre un ancien ministre (Chakib Khelil) au point d'annuler plusieurs actes de poursuite, cela suscite la suspicion. Pour des sources au fait du dossier, la décision n'était pas celle du juge qui, nous dit-on, aurait subi de lourdes pressions. D'abord pour lancer le mandat d'arrêt, puisqu'il a fallu attendre longtemps pour lui envoyer des convocations, perquisitionner dans ses domiciles et enfin lancer un mandat d'arrêt contre lui, et de surcroît l'annoncer publiquement, par la voie du procureur général près la cour d'Alger, rappelé de son congé par le ministre de la Justice de l'époque, Mohamed Charfi, pour une conférence de presse improvisée à la hâte. La prudence inexpliquée de Charfi dans la prise de décision contre les personnalités citées dans le scandale Sonatrach s'est transformée, au fil du temps, en une précipitation qui lui a coûté son poste, nous dit-on. Qui a intérêt à ce que Chakib Khelil ne réponde pas des graves accusations portées contre lui, si ce ne sont ceux qui sont aussi responsables que lui ? En clair, ceux-là mêmes qui ont poussé le juge à revenir sur certains actes de la procédure et ceux-là mêmes qui feront tout pour que ces affaires ne remontent pas à la surface pour ne pas éclabousser, comme l'a bien qualifié Chakib Khelil, le «clan» présidentiel.