Le dossier de l'ancien wali de Blida, Mohamed Bouricha, que l'on disait très proche du clan présidentiel, est actuellement en examen au niveau de la chambre d'accusation près la Cour suprême, après une instruction qui a duré presque sept ans, à l'issue de laquelle le juge chargé de l'enquête a conclu à des faits relevant du tribunal criminel, commis par la plupart de la vingtaine de prévenus poursuivis dans le cadre de ce dossier. Hier, une bonne partie des avocats constitués n'ont pu plaider en raison de la programmation très matinale de l'affaire au rôle de la chambre d'accusation près la Cour suprême, qui a d'ailleurs renvoyé son délibéré à près de deux mois, soit le… 26 mars prochain. Ce qui a suscité de lourdes interrogations chez de nombreux avocats rencontrés sur place. Certains n'ont pas hésité à faire le lien entre cette date et la tenue des élections en disant : «Renvoyer la décision à une date aussi lointaine n'est pas fortuit. On veut tout simplement avoir de la visibilité sur le scrutin dans le but de savoir si la famille (politique) à laquelle appartient Bouricha sera partie prenante dans la bataille électorale ou non, et à partir de là, prendre la décision qu'il faut. Toutes les affaires qui concernent le ‘‘clan'' présidentiel sont actuellement mises en veilleuse et risquent d'être remises aux calendes grecques dans le cas où le Président se représente pour un quatrième mandat.» Encore un autre scandale que la justice ne semble pas prête à élucider après huit années de son éclatement. C'était en 2005, lorsqu'un courageux maire d'une commune de la wilaya de Blida, feu Ali Mellak, avait osé dénoncer une affaire de surfacturation ayant éclaboussé Mohamed Bouricha. Un report pour une affaire qui date de huit ans Le défunt avait refusé de signer les nombreuses factures «grossièrement dopées» d'achats de vêtements pour des familles pauvres de quatre communes de Blida, au profit d'un richissime commerçant, Djamel Boukrid, connu comme étant très proche de l'ex-wali, auquel il a cédé une belle villa, située à Chenoua, sur la côte de Tipasa, à l'ouest de la capitale. En mai 2005, c'est le promoteur immobilier, Messaoud Hadji, qui le cite devant le juge lors d'une instruction ouverte sur la dilapidation du foncier agricole. Il aurait avoué avoir offert deux villas à l'ex-wali en contrepartie d'un terrain de 14 ha, situé à Khazrouna. Puis c'est au tour de l'ancien conseiller de l'ex-ministre de la Justice d'être inculpé pour avoir trempé dans une affaire de trafic de véhicules, au même titre que le fils de l'ex-wali, Abdelilah Bouricha. Le dossier de Mohamed Bouricha ne cesse de prendre de l'ampleur et ses ramifications se multiplient avec l'inculpation de deux hommes d'affaires assez influents dans la Mitidja, qui détiennent la boisson gazeuse Jutop, et l'eau minérale Sidi Lekbir, auxquels il aurait cédé des terrains agricoles pour être détournés de leurs vocations. Dans un premier temps, l'ex-wali garde son statut de témoin, au niveau de la cour de Blida, où l'enquête a été ouverte. Mais étant donné son statut de wali, bénéficiant du privilège de juridiction, le dossier a été transféré à la Cour suprême, où l'instruction va durer plusieurs années avant de se terminer vers la fin de 2013, par l'inculpation d'une vingtaine de personnes, parmi lesquelles, outre l'ancien wali et son fils (qui avait été placé en détention puis libéré quelque temps après), Messaoud Hadji, les patrons de Jutop et Sidi Lekbir, ainsi qu'un des proches de Bouricha, le nommé Mokhbat, propriétaire de commerces en France et l'ancien conseiller de l'ex-ministre de la Justice. Les faits révélés par l'enquête auraient prouvé que Bouricha distribuait des centaines d'hectares de terre agricole à des privés pour en faire des promotions immobilières ou les transformer en zones industrielles, en contrepartie de «luxueux et onéreux cadeaux». Le juge ayant instruit l'affaire a retenu contre lui et les autres personnes mises en cause de lourdes inculpations de «dilapidation de deniers publics, faux et usage de faux, abus de pouvoir, corruption, usages de deniers publics à des fins personnelles et violation de la réglementation qui régit le foncier agricole». Il reste donc à attendre la décision de la chambre d'accusation qui doit normalement être prononcée le 26 mars prochain. Va-t-elle valider les qualifications des faits établis par le juge ou va-t-on au contraire vers le scénario de la montagne qui accouche d'une souris ? La réponse dépend de la volonté du pouvoir judiciaire à faire en sorte que nul ne soit au-dessus de la loi.