L'Algérie se trouve encore une fois au milieu du gué à la veille d'une échéance électorale importante. Porté à la Présidence en tant que candidat du «consensus» des différents clans du pouvoir durant ses trois mandats successifs et puissamment adoubé par la hiérarchie militaire, unie derrière l'homme comme un seul soldat, Bouteflika semble lâché par ses géniteurs, à bien décrypter le message de détresse lancé par le patron du FLN, Amar Saadani, dans sa vaine tentative de gagner la bataille de l'opinion publique en agitant l'épouvantail des services de renseignement. Confiné, jusqu'ici, aux manœuvres de coulisses, le désaccord sur le maintien de Bouteflika qui agite le sérail s'affiche, désormais, au grand jour avec la sortie médiatique de Saadani. Le secrétaire général du FLN est passé à un cran supérieur dans son douteux combat contre les services de renseignement, sous le couvert d'un plaidoyer pour l'instauration d'un Etat civil auquel il n'a jamais cru, ni hier ni aujourd'hui. Cependant, si tout le monde sait ce qui pousse Saadani à camper le rôle de sniper et de tête de bélier du clan présidentiel acceptant les missions les plus périlleuses que ses commanditaires, tapis dans l'ombre, n'osent pas assumer publiquement, à l'image de la dernière charge contre le général Toufik, on ignore, en revanche, les raisons objectives qui ont provoqué, au sein du pouvoir, la rupture de l'union sacrée bâtie autour de Bouteflika. Cette partie de bras de fer opposant le clan présidentiel aux puissants services de renseignement a complètement désorienté les Algériens, qui ne cachent pas leur inquiétude face à ces convulsions des cercles du pouvoir, dont personne ne peut prévoir sur quoi cela va déboucher. Formellement, dans cette bataille politique et de l'opinion que se livrent les centres de décision du pouvoir, le DRS et son patron, qui n'ont pas bonne presse pour leur contrôle de la société au plan des libertés, sortent grandis et confortés de cette passe d'armes avec le clan présidentiel. Sans absoudre l'institution pour ses péchés capitaux, les enquêtes diligentées par ce département sur les grands dossiers de corruption Sonatrach, Khalifa, de l'autoroute Est-Ouest dans lesquels des proches du Président sont mêlés, ont réconcilié, d'une certaine manière, le bourreau et la victime. Qu'importe de savoir qui se cache derrière ce masque de justicier de l'ombre et pour quels desseins il œuvre si l'initiative participe réellement d'une volonté sincère de moraliser la vie politique et publique et de réformer les services de renseignement ! Que la course à la succession se règle au moyen d'un coup de force institutionnel pour désarmer Bouteflika et son clan, qui ont résisté jusqu'ici à toutes les pressions pour l'amener à renoncer à un quatrième mandat, cela ne semble pas choquer, y compris dans le camp des démocrates les plus sourcilleux sur le respect de la légalité constitutionnelle. Bouteflika et ses soutiens ont, jusque-là, repoussé tous les assauts de ceux qui appellent, sous une forme ou une autre – empêchement ou départ volontaire à la retraite à l'issue de son mandat actuel pour cause de maladie – le Président sortant à rentrer chez lui. Qui de Bouteflika ou de ses adversaires va capituler ? Une certitude : le chemin menant à la présidentielle est truffé de mines.