C'est par des mots lancés avec un ton d'amertume et de désespoir que le maître de la chanson andalouse et haouzie Nouri Koufi a entamé l'entretien qu'il a bien voulu nous accorder quant au ravage de le piratage Depuis fort longtemps on n'entend plus parler de Nouri Koufi. Que se passe-t-il ? Depuis que j'ai vu se vendre à même le sol des cassettes et des CD contenant mes chansons éditées par une prétendue maison d'édition avec laquelle je ne suis pas lié, j'ai renoncé à mes activités de chanteur professionnel. En plus, sur ces produits étaient collés de faux timbres imputés à l'Office national de l'édition artistique (ONDA). Continuer, c'est pour moi cautionner la piratage et encourager le nouveau lobby de l'édition qui ne recule devant rien en l'absence d'une sérieuse prise en charge des droits de l'artiste. Vous voulez dire que vous avez raccroché... Absolument pas. C'est seulement une situation de stand-by que j'observe, sans pour autant me laisser indifférent face à cet état de fait que je qualifierai de désastreux pour l'artiste. Je profite de cette occasion pour proposer une solution à ce problème qui affecte dangereusement la production artistique nationale. La solution consiste, tout simplement, en l'instauration d'un système de contrôle permanent par le biais d'une police spécialisée et la publication dans tous les médias de spots publicitaires incitant les fans de la chanson algérienne à ne pas acheter des CD et cassettes édités illicitement. Cela peut facilement se réaliser pour peu que les responsables concernés affichent une réelle volonté à remédier à cette situation compromettante pour l'avenir de la musique et de l'art dans notre pays. Et si un jour vous êtes sollicité pour chanter dans une grande soirée andalouse, seriez-vous présent ? Cette question tombe à pic, car elle me donne l'occasion de vous rappeler que depuis que j'ai commencé à exister dans le monde de la chanson haouzie et andalouse, et cela remonte à plus de trente ans, on ne m'a jamais fait participer à une semaine culturelle algérienne à l'étranger. Exception faite pour celle organisée dans l'ex-URSS en 1989, où je me suis pris totalement en charge là-bas. Avec le riche répertoire que je possède et qui, apparemment, plaît à des milliers de nos concitoyens installés en outre-Méditerranée et avec toute ma notoriété acquise grâce à mes anciens maîtres de la chanson andalouse et haouzie, on ne m'a donné ni l'occasion ni fait l'honneur de représenter mon pays durant l'Année de l'Algérie en France. Cela étant, vous devez avoir au moins une activité touchant de près ou de loin le champ artistique... Heureusement, sinon je serai mort artistiquement. Actuellement, je suis sur un projet qui m'a toujours tenu à cœur, celui de créer une école de musique à Oran. Cette future école sera bâtie sur 9 étages où seront enseignés, à la fois, la musique universelle et le chant traditionnel. Son ouverture est tributaire de la volonté des pouvoirs publics locaux pour fournir les documents nécessaires à la concrétisation de ce projet, que je considère très utile pour cette région du pays dépourvue de ce genre d'établissement spécialisé. Des professeurs de haut niveau seront recrutés pour la formation des centaines d'élèves voulant acquérir des connaissances approfondies sur les différents modes de la musique ou voulant apprendre à jouer de l'instrument qu'ils désirent. L'école sera dotée également d'une grande bibliothèque, où seront répertoriées les archives de notre patrimoine musical, d'une salle de concert et d'une autre qui sera consacrée exclusivement à l'audiovisuel. Un dernier mot... Confucius, un savant chinois, a dit : « Si tu veux juger les mœurs d'un peuple, écoute sa musique. »