Dans une déclaration commune, Ali Yahia Abdennour, Ahmed Taleb Ibrahimi et Rachid Benyelles dressent un bilan désastreux des 15 ans de règne de Abdelaziz Bouteflika. Ils appellent à faire barrage à un quatrième mandat que «la coterie au pouvoir» veut imposer, par tous les moyens pacifiques, y compris par le boycott de la prochaine Présidentielle. Trois personnalités politiques de poids font barrage à un quatrième mandat de Bouteflika. Ali Yahia Abdennour, Ahmed Taleb Ibrahimi et Rachid Benyelles s'opposent vigoureusement à la reconduction de Abdelaziz Bouteflika à la tête de l'Etat que le clan présidentiel s'obstine à imposer. Ils élargissent ainsi le front du refus. Le vétéran militant des droits de l'homme Ali Yahia Abdennour, l'ancien ministre des Affaires étrangères et candidat à la Présidentielle de 1999 Ahmed Taleb Ibrahimi et le général à la retraite Rachid Benyelles disent avec force : «Non à une quatrième candidature de M. Bouteflika.» Ils appellent, dans une déclaration rendue publique hier, «toutes les forces saines du pays, notamment celles attachées à la justice sociale et à la moralisation de la vie politique, à exprimer leur refus par tous les moyens pacifiques qu'elles jugent utiles» pour faire barrage à un coup de force afin d'imposer un autre mandat au Président sortant. Ils considèrent que, sans une réaction significative de la société civile et politique, «M. Bouteflika sera maintenu à la tête de l'Etat au titre d'une parodie d'élection, et ce, malgré son âge avancé, son état de santé déplorable et le bilan fort contestable des quinze dernières années». Cette prise de position de ces trois figures influentes intervient dans un climat politique tendu, à la veille d'une Présidentielle sur fond de «guerre» inédite dans le sérail. Elle fragilise encore davantage le camp des partisans d'un Bouteflika resté sans voix depuis plus de neuf mois. Depuis son hospitalisation au Val-de-Grâce à Paris, le 12 avril 2013 suite à un accident vasculaire cérébral, le chef de l'Etat n'exerce plus sa fonction. Alors que sa capacité physique à rempiler est sérieusement atteinte, son clan, à mesure que l'échéance présidentielle approche, s'affaire pour l'imposer pour un autre mandat présidentiel malgré un fort rejet de l'opinion. Plusieurs partis politiques ont déjà fait le choix de boycotter une Présidentielle «fermée». L'opposition à un quatrième mandat s'est exprimée également à l'intérieur du pouvoir. D'où l'étalage sur la place publique d'un conflit au sommet opposant le clan présidentiel au patron du Département du renseignement et de la sécurité, Mohamed Médiène. Une guerre qui a fait bouger les lignes et a brusquement sorti la classe politique de sa paralysie. L'entrée en scène, hier, des trois personnalités incarnant de larges courants d'opinion isole davantage le cercle déjà restreint des partisans d'un quatrième mandat. Elles menacent, en cas de maintien de la candidature de Bouteflika, de «boycotter massivement le simulacre d'élection que le pouvoir en place veut tenir». Ces personnalités nationales revendiquent que «la prochaine échéance électorale soit l'occasion d'exiger une refondation des institutions afin que la situation que l'Algérie a connue ces quinze dernières années ne se reproduise plus jamais» et pour que la candidature à la magistrature suprême «ne soit dorénavant permise qu'aux seuls dirigeants dans la force de l'âge, en pleine possession de leurs capacités physiques et intellectuelles». Fermes et incisifs, les trois hommes se dressent énergiquement contre un passage en force du clan au pouvoir : «Après avoir bafoué la Constitution qui limitait le nombre de législatures à deux mandats, voilà que le clan au pouvoir veut reconduire M. Bouteflika – arrivé illégitimement au pouvoir en 1999 – pour un quatrième mandat consécutif.» La déclaration, signée par trois figures de poids représentant des familles politiques et idéologiques différentes, traduit une forte opposition au maintien de Bouteflika à la tête de l'Etat. Vaillant défenseur des droits de l'homme et opposant historique, Ali Yahia Abdennour incarne à lui seul une aspiration démocratique largement partagée par des courants d'opinions diverses et parfois opposés. Il est considéré, à juste titre, comme passerelle et porte-voix de l'opposition démocratique. Ahmed Taleb Ibrahimi, longtemps ministre des Affaires étrangères sous Chadli Bendjedid, vu comme l'héritier des oulémas, est la figure de ce qui est appelé communément la doxa nationalo-conservatrice. Son poids symbolique au sein d'une partie de l'opinion reste considérable. Sa candidature à l'élection présidentielle de 1999 a fait de lui un sérieux prétendant à la magistrature suprême. Le général à la retraite Rachid Benyelles, depuis qu'il a pris ses distances avec le pouvoir, a réussi à se faire une place au sein de l'opposition et se faire «la voix discordante» des militaires. Ainsi donc, l'appel de ces trois personnalités aura sans doute un impact considérable sur l'opinion publique et fera probablement pencher la balance à l'intérieur même des blocs au pouvoir dont le consensus n'est pas visiblement dégagé autour d'un candidat de «compromis». Ces trois poids lourds, soutenus dans leur démarche par d'autres personnalités, assimilent l'option d'un quatrième mandat à «une négation de la République et du sacro-saint principe de l'alternance au pouvoir, une offense à la mémoire de nos compatriotes qui ont sacrifié leur vie pour l'indépendance du pays et une marque de mépris pour les citoyens que nous sommes». Le jugement est sans appel et doit impérieusement amener les décideurs à réfléchir.