En 2009, elles s'étaient exprimées d'une seule voix pour soutenir un troisième mandat du président Bouteflika. Pour cette nouvelle échéance électorale, la plupart des organisations patronales préfèrent rester prudentes, ne sachant pas si le président sortant se représentera ou pas. D'autres, comme Nabni par exemple, préfèrent éviter carrément de commenter le sujet. Certains syndicats autonomes à l'inverse de l'UGTA dénoncent quant à eux la déviation de certaines organisations syndicales de leurs dispositions statutaires. Au niveau de la Confédération algérienne du patronat (CAP), le président Boualem M'rakech affirme qu'aucune décision ne sera prise avant que l'organisation «n'ait pris connaissance des programmes économiques des différents candidats à la présidentielle». Par ailleurs, explique-il, «ce n'est pas dans les statuts de l'organisation de prendre position.» En 2009 pourtant, la CAP aux côtés du CNPA, de la CGEA, de la CIPA, de SEVE et de l'UGTA avaient tous exprimé leur soutien au 3e mandat. Ce sont là les principaux partenaires sociaux reconnus par le gouvernement et les signataires du pacte national économique social. Pourtant, Rachid Malaoui, porte-parole du SNAPAP (Syndicat national autonome du personnel des l'administration publique), précise que «la loi syndicale interdit aux associations de prendre des positions partisanes». La loi 90-14 de juin 1990 sur l'exercice du droit syndical interdit en effet aux syndicats d'entretenir «des relations organiques ou structurelles» avec toutes association à caractère politique. Or, souligne M. Malaoui, le président Bouteflika «représente une tendance politique et est soutenu par des partis politiques.» Mais il en faut plus pour les dissuader. Mouloud Khelloufi, président de l'AGEA (Association générale des entrepreneurs algériens) affirme dans un premier temps attendre «que toutes les candidatures soient validées pour ensuite les juger sur les programmes économiques qui seront présentés.» Pourtant, il reconnaît que son association a soutenu Bouteflika en 2009 et «le soutiendra s'il se présente encore, pour la stabilité du pays». Depuis son arrivée, «la crise du logement a diminué de 70% et elle n'existera plus d'ici 2017», plaide-t-il. L'AGEA est déjà «satisfaite du programme économique du Président», même si M. Kheloufi avoue n'avoir jamais bénéficié d'aucun avantage. Prendre connaissance des autres programmes ne sera donc qu'une formalité. Slim Othmani, le PDG de NCA Rouiba et membre du FCE reprochait récemment dans la presse au patronat de vivre «à l'ombre du système». Une manière de bénéficier de ses faveurs et de profiter des retombées de la rente. Au sein du patronat, parmi les acteurs économiques, ils sont nombreux à le penser. Smaïl Lalmas, président de l'association ACE (Algérie conseil export), estime que les hommes d'affaires, «pas tous heureusement, sont domestiqués par les politiques pour pouvoir bénéficier des différents avantages et largesses (terrains, crédits, gros marchés, etc)». Largesses Qu'ils soient syndicats autonomes ou organisations patronales, ce sont «des organisations de masse du pouvoir qui sont mobilisées pour soutenir le candidat du même pouvoir. Et c'est normal qu'elles le soutiennent puisqu'elles utilisent l'Etat pour exister et profiter de la rente», explique de son côté Rachid Malaoui. Si pour l'UGTA la question ne se pose pas, puisqu'elle a rarement critiqué les gouvernements quels qu'ils soient, le patronat en revanche a tendance à perdre «sa crédibilité» puisque «d'un côté il soutient le Président, ensuite il critique son programme. Donc, on ne sait pas sur quelles bases il a soutenu l'homme», s'interroge M. Malaoui. A leur décharge, les défenseurs du Président sortant peuvent faire valoir l'argument selon lequel «c'est l'application des décisions et des programmes sur le terrain» qui fait défaut. En clair, ce sont les chefs de gouvernement en charge de mettre en œuvre le programme présidentiel qui sont en cause et non le Président, selon eux. Faut-il pour autant prendre position au nom de l'association ou du syndicat. Pour Smaïl Lalmas, de par son rôle, l'homme d'affaires «a le droit de se positionner par rapport aux projets ou programmes des candidats à la présidentielle, mais à titre individuel». Car, «prendre une position politique pour une organisation, c'est la meilleure façon de la faire éclater». En témoignent les remous au sein du FCE. Dans toute cette atmosphère d'incertitude, et pour les patrons qui voudront départager les futurs candidats, deux critères de choix : «la stabilité politique et la vision à long terme», indique Djamel Mezine, chef d'entreprise. Pour l'instant, «les hommes d'affaires sont perdus. Ils ne comprennent rien dans la situation économique du pays». Entre continuité ou changement radical, pour l'heure le patronat hésite à se prononcer. Les plus téméraires choisissent simplement «une amélioration du climat politique et économique du pays et la levée des barrières à l'investissement». Certaines associations comme l'ACE ont programmé une série de rencontres avec les différents candidats afin notamment de les sensibiliser sur leurs préoccupations.