sorti le 7 juin dernier et soutenu par plusieurs associations, The Road to Guantanamo est un brûlant docu-fiction qui fait beaucoup de bruit. Il mêle témoignages, documents d'archives et reconstitutions pour raconter l'incroyable odyssée de ceux qu'on a pris l'habitude d'appeler les « Trois de Tipton ». Septembre 2001. Quatre copains anglais Ruhel, Asif, Shafiq et Monir, habitant à Tipton, se rendent au Pakistan (leur terre d'origine) pour célébrer le mariage d'un ami et prendre quelques jours de vacances. Des jeunes qui partent en virée, à l'aventure, comme tant d'autres... Ici malheureusement le voyage s'avère dramatique, l'histoire bascule dans l'horreur. Un concours de circonstances hasardeuses et la bande de copains se retrouve prise au piège en plein cœur du bombardement américain post 11 septembre qui ravagea les villages talibans en Afghanistan. Peu de temps après, ils sont arrêtés par l'armée américaine et envoyés en prison à Guantanamo Bay à Cuba. Ils y passeront plus de deux ans dans des conditions inhumaines. L'un d'entre eux ne reviendra jamais de ce périple. Otages de l'histoire, victimes du hasard, ils deviennent le symbole de ce que le destin peut infliger à ceux qui ont le malheur d'être à la mauvaise place au mauvais moment. On estime le nombre de détenus passés par Guantanamo à 760. La plupart ont été capturés en Afghanistan. Ils sont de 42 nationalités différentes, mais les Afghans, les Yéménites et les Saoudiens sont très majoritaires. 490 prisonniers seraient encore incarcérés. Les autres ont été soit envoyés dans d'autres centres de détention, américains ou étrangers, soit libérés sans autre forme de procès. Michael Winterbottom, Ours d'argent du meilleur réalisateur, Berlin 2006, a entendu parler pour la première fois de ces trois anglais par la presse qui les a surnommés les « Trois de Tipton ». Par l'intermédiaire de l'avocat de ces 3 jeunes, il a pu les rencontrer et ils se sont intéressés au projet pour en faire un film. Winterbottom a enregistré des heures et des heures de témoignages. Ce qui a retenu son attention c'est qu'« aucun d'entre eux n'était particulièrement porté sur la religion ou sur la politique. Tout cela est arrivé à trois personnes ordinaires, tout à fait normales, qui se sont trouvées embarquées dans des événements impensables (...) A Guantanamo, on enferme de dangereux terroristes pro Ben Laden, or ces trois garçons n'avaient vraiment rien d'extraordinaire et se souciaient peu de ces questions ». Pour mieux dévoiler ce paradoxe insensé, Winterbottom a laissé entièrement libres les trois jeunes de raconter les faits tels qu'ils s'en souviennent. Le réalisateur a voulu essentiellement livrer un témoignage. Aux récits des trois garçons qui ont vécu l'histoire, sous forme d'interview, s'ajoute dans le film, leur histoire reconstituée avec des acteurs complètement débutants, à savoir Riz Ahmed, Farhad Harun, Waqar Siddiqui et Arfan Usman. « Nous voulions que les acteurs n'aient jamais joué parce que nous voulions des garçons qui ressemblent le plus possible à Asif, Ruhel et Shafiq. Nous les avons laissé improviser leur jeu, en veillant seulement à ce que les choses restent très proches de ce qui a été raconté par les trois garçons. » Michael Winterbottom est l'un des cinéastes britanniques les plus talentueux et les plus prolifiques de sa génération. Il est notamment l'auteur de Jude (1996), Welcome to Sarajevo (1997), In this world (Ours d'argent au Festival de Berlin 2003), et plus récemment de Nine Songs et de Tournage dans un jardin anglais (A cock and bull story). Avec The Road to Guantanamo, il signe avec son collaborateur, Mat Whitecross, son film le plus engagé à ce jour.