Les assurances du vice-ministre de la Défense et chef d'état-major de l'armée, le général de corps d'armée Gaïd Salah, sont qualifiées de «leurre» par beaucoup de candidats et responsables de parti politique. Ces personnalités ne se font pas d'illusion quant à la non-implication de l'institution militaire dans le jeu politique. Le RCD, qui a décidé de boycotter l'élection présidentielle, considère que Gaïd Salah n'est pas crédible et ses propos ne peuvent convaincre personne. «Depuis quand l'armée est-elle à l'écart des décisions politiques et des manipulations des scrutins ?», s'interroge Atmane Mazouz, porte-parole du parti. Les Algériens, estime-t-il, gardent en mémoire les assurances sans effets d'un autre général du même rang lors de la présidentielle de 2004. Le RCD reste donc convaincu que l'élection du 17 avril prochain ne sera ni transparente ni crédible. «Nous assistons chaque jour à des tiraillements sans fin pour imposer le statu quo et il est regrettable que l'armée, avec la proximité de son chef avec le clan présidentiel qui a colonisé les institutions, soit encore instrumentalisée pour que la nation cède face aux appétits de la tribu», estime M. Mazouz, persuadé que le pays est en danger et que l'armée joue au mauvais rôle dans une phase qui appelle à un sursaut républicain et patriotique. Des assurances sans effet Le chef de file du MSP, Abderrazak Makri, rappelle, lui aussi, les promesses non tenues des responsables de l'institution militaire en 2004 et 2009. Ce n'est pas la première fois que l'armée s'engage a être neutre : «En 2004, le général Lamari s'était prononcé pour la neutralité de l'armée et ce ne fut pas le cas ; à l'époque de Zeroual, un communiqué avait été rendu public, promettant le respect des institutions de l'Etat. En vain.» Pour Makri, les assurances de Gaïd Salah répondent au seul souci de ne pas «gêner leurs alliés et toutes les personnalités acquises à leur cause et aussi pour ramener les réticents à prendre part à cette élection». Pour lui, il s'agit d'une politique de façade puisque les résultats du scrutin sont connus d'avance. Makri rappelle qu'en 2004, un amendement avait été introduit, selon lequel les corps constitués voteraient dans leurs lieux de résidence, exception faite de ceux qui de permanence et, dans ce cas, ils ont le droit de rédiger des procurations : «Cet amendement n'a pas été respecté lors des élections législatives et communales. La Commission nationale de supervision des élections a soulevé ce problème et a ouvertement accusé l'armée d'avoir bourré les urnes». Cet avis est partagé par Fawzi Rebaine, patron de Ahd 54, qui invite Gaïd Salah à consulter les doléances de la Commission de surveillance des élections lors des législatives. «L'implication de l'institution militaire était entière, en dépit des garanties données par ses dirigeants», s'insurge notre interlocuteur, qui pense que Gaïd Salah n'est pas crédible et que ses propos sont loin d'être rassurants. «Le minimum serait de rendre public le fichier électoral afin d'éviter aux militaires de voter trois ou quatre fois. Nous avons la preuve de ce que nous avançons. Le scandale de Tindouf où le nombre de votants militaires était le triple de la population, lors des législatives, est toujours dans les esprits !» note Rebaine. Hanoune est-elle la porte-parole de l'armée ? Soufiane Djilali, patron de Jil Jadid, voudrait bien croire Gaïd Salah, mais ses arguments sont faibles : «Ce sont des paroles en l'air. Moi je suis persuadé que si Bouteflika entre dans la course, l'armée sera à sa disposition, dans le cas contraire, il y aura une marge de manœuvre. Le système actuel s'est constitué autour de la personnalité du Président sortant.» M. Djilali, affirme que seul l'effondrement de Bouteflika pourrait changer la donne. Lakhdar Benkhalef du FJD conteste, quant à lui, ce nouveau mode de communication de la «grande muette» : «Nous n'avons pas entendu Gaïd Salah formuler des garanties. D'habitude l'institution militaire communique à travers la revue El Djeïch, cette fois-ci c'est Louisa Hanoune qui parle au nom de l'armée. Est-ce correct ?» Benkhalef confirme que l'armée n'a jamais joint l'acte à la parole en matière de neutralité lors des différents scrutins. En revanche, les partis proches du pouvoir estiment que l'armée a toujours veillé à ce que le scrutin se déroule dans la transparence. Lotfi Boumghar, membre de la cellule de communication du candidat Benflis, pense que l'institution militaire a toujours respecté ses engagements et a été neutre : «L'armée n'est pas responsable des irrégularités constatées lors des différents scrutin, mais la partie incriminée reste l'administration.»