Le soutien de l'administration à Amar Saadani n'est pas le produit du hasard. Preuve que le secrétaire général du FLN tire sa puissance d'El Mouradia : le remaniement ministériel qui a eu lieu juste après sa désignation à la tête de l'ex-parti unique. En lisant et en retournant dans tous les sens le message du président Bouteflika qui dénonce un complot contre la stabilité du pays, on se rend compte qu'il y a vraiment tromperie sur la marchandise. Le chef de l'Etat, qui a savamment adressé une sorte de rappel à l'ordre aux personnalités publiques, en pointant du doigt les opinions et les commentaires faits au nom de la liberté d'expression mais qui cachent, selon lui, «des objectifs sournois», a oublié certainement que celui qui a déclenché les échanges durs autour de l'institution militaire est bien Amar Saadani, secrétaire général du parti politique dont il est président, le Front de libération nationale (FLN). Comme il garde le silence et entretient le suspense sur un éventuel quatrième mandat à la présidence, Abdelaziz Bouteflika cultive le flou sur l'identité et les responsabilités des uns et des autres, surtout les siennes, dans cette cacophonie qui entoure l'élection présidentielle du 17 avril prochain. C'est dans la foulée de son acharnement pour un quatrième mandat que Amar Saadani a mis en cause, pour la première fois d'ailleurs à l'automne dernier, le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) et Mohamed Médiène dit Toufik. Dès le lendemain de son intronisation, le 29 août 2013, à la tête du parti de la majorité, dans des conditions très contestées – le Conseil d'Etat, instance suprême de la justice administrative, avait même interdit la tenue de la réunion du comité central à l'hôtel El Aurassi qui l'a vu propulsé comme secrétaire général du FLN – Amar Saadani semble appliquer minutieusement une feuille de route. Il a commencé à parler des intentions des promoteurs du quatrième mandat pour le président Bouteflika d'écarter du jeu politique la police politique, c'est-à-dire le DRS, avant de monter en cadence à l'approche de l'élection, pour durcir le ton et se montrer plus précis dans ses attaques contre le DRS et son patron. Le très contesté secrétaire général du FLN ne pouvait assurément pas se livrer à une telle diatribe contre une structure aussi importante et stratégique de l'Armée populaire nationale (ANP) s'il n'avait pas d'appuis en haut lieu, plus précisément dans le clan présidentiel dont la tête de file n'est autre que le frère du Président, Saïd Bouteflika. Le soutien de l'administration à Amar Saadani n'est pas le produit du hasard. Une preuve que le secrétaire général du FLN tire sa puissance d'El Mouradia est bien le remaniement ministériel qui a eu lieu juste après sa désignation à la tête de l'ex-parti unique. Trois ministres, Amar Tou, Rachid Harraoubia et Abdelaziz Ziari, qui n'avaient pas assisté à la réunion du comité central qui s'est déroulé à l'hôtel El Aurassi, se sont retrouvés tout simplement éjectés du gouvernement. Le seul motif de leur éjection, eux qui étaient pourtant dans le giron du clan présidentiel, est leur refus de cautionner Amar Saadani. Voilà un élément d'analyse suffisant pour conclure que le secrétaire général du FLN bénéficie de soutiens importants et surtout solides au sommet de l'Etat, plus précisément du président Bouteflika lui-même, qui a puni les trois ministres ayant rejeté son intronisation à la tête du parti majoritaire. Qu'on ne vienne pas aujourd'hui crier au complot en tentant de faire diversion et éviter les vraies problématiques qui se posent au pays, à la veille d'une élection présidentielle cruciale pour son avenir. Le secrétaire général du FLN et pourfendeur du DRS et de son patron, qui se dit au demeurant non concerné par les «rappels à l'ordre du chef de l'Etat», continue aujourd'hui à bénéficier de l'appui de l'administration, qui refuse aux membres du comité central l'organisation d'une session extraordinaire de celui-ci pour trouver un remplaçant à Saadani. On ne peut pas ne pas conclure que le conflit au sommet de l'Etat, qui se répercute négativement sur la stabilité des institutions, mettant le pays en danger, n'est pas une vue d'esprit mais bien une réalité. Ce n'est ni une invention médiatique et encore moins celle des personnalités politiques qui ont réagi aux propos de Amar Saadani et mis en garde contre les menaces de la guerre des clans sur l'avenir de l'Algérie. Le secrétaire général du FLN, qui fait partie d'un plan pour assurer un quatrième mandat pour un Président dont l'incapacité de gérer les affaires de l'Etat est avérée, est désormais au cœur d'un véritable tourbillon qu'un simple message ne peut pas apaiser.