Les habitations non achevées, le non respect des plans d'architecture (si plan il y a), la modification au gré des affinités, des complicités et du « bakchich » du plan de masse des lotissements. Ce sont là autant de griefs retenus à l'encontre du secteur de l'habitat et de l'urbanisme dans la capitale. Cet état de fait, dure pratiquement depuis plus de deux décennies. En l'absence des pouvoirs publics sur le terrain, le citoyen « auto-constructeur » s'est permis tous les dépassements. Il est d'une évidence niaise, de dire que le paysage urbain de la première ville du pays souffre d'une dysharmonie. Les réflexes du laisser-aller que cultive le citoyen dans sa cité prennent le pas sur la culture du beau, de l'esthétique. En constatant les constructions cubiques et mornes, sans relief ni esthétique, le premier magistrat du pays a piqué une crise de nerfs lors de sa tournée algéroise, le 8 d'avril dernier, à la vue des carcasses des projets abandonnés ou des cités bidonvilles qui ceinturent les quartiers de Dzaïr El Mahroussa. Depuis le début des années 1990 et même bien avant, l'anarchie s'est installée en maître des lieux dans la capitale au point de mettre l'Etat devant le fait accompli. L'insécurité, conjuguée à l'émergence des délégations exécutives communales (DEC) ont favorisé la dilapidation des terres agricoles et la prolifération des lotissements individuels. Les décisions d'attribution de lots de terrain étaient vendues dans les cafés et les salons de thé. Cette situation d'anarchie a avantagé tous les dépassements. Les HLM ou les « cités-dortoirs » ne sont pas en reste : squat des caves, des cages d'escaliers et des espaces verts, élévation d'habitations sur les toits des immeubles, installation d'enclos tout autour des habitations au rez-de-chaussée des bâtisses et, pour couronner le tout, main basse sur des parcelles de terre tout en érigeant des locaux commerciaux. Maintenant que la stabilité est instaurée, le même désordre est reconduit. Eternellement « non achevées », les habitations individuelles, cédées en deuxième et troisième mains, à coups de milliards de centimes ne sont, en vérité, que des constructions hideuses, sans relief ni esthétique. Ces constructions, que leurs propriétaires préfèrent perpétuer en chantiers, ont été réalisées sans plan d'architecture ni mains d'œuvre qualifiées. « Vu la cherté des matériaux de construction, on est dans l'obligation de faire appel à une main-d'œuvre à moindre frais », explique un auto-constructeur. Il ajoute que le plan d'architecture est « un plan type de toutes les autres villas ». « Je n'ai pas besoin de plan. L'entrepreneur se charge de la construction. Il sait ce qu'il fait : c'est un professionnel », déclare-t-il. « 90% des maisons (auto-construction) que notre équipe a inspectées ont été réalisées sans permis de construire et en l'absence d'architectes. Les plus touchées des constructions par le séisme étaient les plus récentes », a diagnostiqué un architecte-expert dépêché par le CTC lors du tremblement de terre du 21 mai 2003. Et d'ajouter : « Il n'y a plus d'Etat pour contrôler ou planifier quoi que ce soi, il suffit de regarder dehors pour s'en apercevoir. » A quoi sert donc la police d'urbanisme, serions nous tenté de nous interroger ? « La mission de la police d'urbanisme et de protection de l'environnement est limitée au seul constat », affirme un responsable de ce corps. Créé le 12 décembre 1999, la police d'urbanisme et de la protection de l'environnement n'intervient que dans l'assistance sécuritaire et l'établissement de rapports en cas d'infraction. « Nous ne sommes pas habilités à fixer des mises en demeure, des arrêtés d'expulsion ou de démolition de construction en porte à faux avec la conformité de l'urbanisme et de la réglementation en vigueur comme le défaut de permis de construire, l'empiétement sur la voie publique, l'accaparement des parties communes des immeubles, etc. », explique cet interlocuteur. Seuls le président de l'Apc et le wali délégué sont habilités à prendre « les mesures qui s'imposent », c'est-à-dire qu'ils sont les seuls à se prononcer sur une démolition. Selon des P/Apc que nous avons approchés, les premiers magistrats des communes se rétractent à prendre pareilles décisions : « Je ne veux pas me faire des ennemis. Les gens ont souffert toute leur vie pour ériger leur bâtisse et je ne vais pas la leur démolir. Il faut une décision de la justice et une intervention du wali d'Alger, seule autorité capable de prendre une telle décision », justifie-t-on. Quant aux constructions qui demeurent, vues de l'extérieur, au stade du chantier sans fin, nos interlocuteurs attestent qu'une décision des plus hautes instances du pays, accordant un délai déterminé pour l'achèvement des travaux de réalisation sous peine de fortes amendes, ferait bouger « les choses ».