Les événements se sont subitement accélérés hier en Ukraine. L'inflexible président contesté, Viktor Ianoukovitch, soutenu par la Russie, a été destitué par voie parlementaire. Retour du printemps à Kiev… Une «révolution orange» version 2014 a (re)commencé hier à Kiev, où l'opposition a déjà fixé au 25 mai la tenue de la prochaine élection présidentielle. Les députés de la Rada ont en effet déclaré le chef de l'Etat, qui a quitté Kiev pour Kharkiv, dans l'incapacité constitutionnelle. «Ianoukovitch s'est de lui-même mis à l'écart et ne remplit plus ses fonctions», est-il écrit dans la résolution adoptée par les députés. Le texte de la destitution a été adopté par 328 voix sur un total de 450. Le Parlement a par ailleurs voté la nomination de nouveaux responsables, à savoir le procureur général, le ministre de la Défense et le chef des services de la sécurité d'Etat. Le vote s'est déroulé en présence du représentant de l'Union européenne en Ukraine, Jan Tombinski. Victor Ianoukovitch aura donc vainement crié au «coup d'Etat» avec le soutien de Moscou et a affirmé ne pas démissionner. Mais il n'aura finalement pas le loisir de le faire puisque le Parlement s'en est occupé… Celui-ci a voté la libération immédiate de l'opposante emprisonnée Ioulia Timochenko, qui était la bête noire du président pro-Russie. La belle blonde aux cheveux tressés a retrouvé aussitôt sa liberté. L'opposition a pratiquement récupéré tous les leviers de commande en Ukraine après une fin de semaine sanglante avec un bilan de près d'une centaine de morts. Des scènes qui rappellent la chute du guide libyen ont été observées, hier après-midi à Kiev, avec ces meutes de journalistes qui ont accédé au palais présidentiel, voire au bureau même du président déchu. La revanche de Timochenko Pendant ce temps, le pouvoir commençait à basculer hier en faveur de l'opposition. La majorité favorable jusque-là à Viktor Ianoukovitch a déjà entamé son ralliement juste après l'accord de sortie de crise signé vendredi entre le Président et plusieurs chefs de file de l'opposition. A commencer par le président de la Rada qui a quitté ses fonctions. Dès l'ouverture de la séance, Volodymyr Rybak, membre du Parti des régions et proche de Viktor Ianoukovitch, a annoncé sa démission pour «des raisons de santé». Plusieurs députés du Parti des régions, au pouvoir, ont également annoncé qu'ils quittaient leur formation. Aussitôt, l'Assemblée ukrainienne a élu Olexandre Tourtchinov, bras droit de l'opposante Ioulia Timochenko, à la tête de la présidence de la Rada. «Le pouvoir en Ukraine reprend son travail pour stabiliser la situation», a-t-il déclaré après avoir été désigné par 288 voix sur un total de 450. Puis la Rada a élu Arsen Avakov, un autre proche de l'opposante emprisonnée, ministre de l'Intérieur, avant de voter la libération de l'opposante Ioulia Timochenka, enfermée depuis trente mois pour «abus de pouvoir». Par ailleurs, la police ukrainienne a apporté son soutien à l'opposition en publiant un communiqué rédigé au nom de l'ensemble des effectifs du ministère de l'Intérieur : «La police est au service du peuple et partage entièrement ses aspirations aux changements rapides…» Moscou perd son soldat L'Union européenne se frottait les mains de voir l'opposition favorable à l'entrée de l'Ukraine au sein de l'UE prendre le dessus. Le ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, a estimé hier que les événements à Kiev ne constituaient pas un coup d'Etat, alors que ses homologues allemand et français ont appelé le pouvoir et l'opposition à respecter l'accord de sortie de crise. «Ce n'est pas un coup d'Etat. Les bâtiments gouvernementaux ont été abandonnés. Le président du Parlement élu légalement. Le président Ianoukovitch a 24 heures pour signer l'entrée en vigueur de la Constitution de 2004», a écrit le ministre polonais sur son compte twitter. Son porte-parole a par ailleurs indiqué, sur twitter également, que le ministre s'est entretenu dans la journée avec le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, et le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, sans donner d'autres précisions. Les déclarations du ministre polonais, un des artisans, avec les ministres allemand et français, de l'accord opposition-pouvoir vendredi à Kiev, interviennent peu après celles du président Victor Ianoukovitch. Le chef de l'Etat ukrainien a dénoncé un «coup d'Etat», jugeant les décisions du Parlement «illégitimes» et refusant de démissionner. De son côté, Moscou a accusé l'opposition de n'avoir pas rempli «une seule de ses obligations» et souligné une «menace directe pour la souveraineté et l'ordre constitutionnel de l'Ukraine», selon un communiqué du ministère russe des Affaires étrangères. Mais le train de Kiev vers Bruxelles semble bien parti et Moscou aura du mal à sauver son soldat Ianoukovitch.