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Un 24 février pas comme les autres
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Le 24 février a coïncidé cette année avec le cinquantième anniversaire de la création de Sonatrach.
Cette double commémoration est célébrée chaque année voilà plus de 43 ans, mais dès qu'un brouillard apparaît dans la conduite stratégique de la politique énergétique, on ne rate pas l'occasion de le mettre sur le dos de ce processus qui a demandé d'abord une vigilance puis une mobilisation et enfin un énorme sacrifice des travailleurs. Si le regretté président Boumediène avait choisi cette date pour annoncer la nationalisation des hydrocarbures en 1971, c'est qu'il comptait réussir son entreprise avec les cadres et les ouvriers du secteur. C'est ainsi que depuis pratiquement le début des années 1980, de nombreuses voix, fortement affectées par l'actualité, tentent en vain d'imputer l'échec d'asseoir une politique pétrolière et gazière en Algérie à la nationalisation qu'ils qualifient de hâtive, émotionnelle et coïncidant avec la montée du nationalisme dans les pays pétroliers, sans tenir compte de son impact économique sur leur développement. Cette manière d'analyser un événement passé en s'appuyant sur les données du présent a conduit au dérapage qu'on connaît. Une restructuration organique et financière de Sonatrach en tant qu'instrument de l'Etat au nom du gigantisme pour le regretter amèrement quelques années plus tard. Sa coïncidence avec la commémoration de la date de création de l'UGTA se justifie amplement car sans le mouvement et la volonté ouvrière, ce processus n'aurait pas réussi.
Plus tard, sur proposition du regretté Abdelhak Benhamouda au ministre de l'Energie actuel et validé par le président Zeroual, on a donné à Sonatrach un statut de grand groupe pétrolier pour rassembler autour de lui les sociétés ainsi déstructurées afin d'en faire de plus compétitives et redresser les erreurs du passé. Cette équipe, pour protéger ce groupe des convoitises, elle le verrouille pour rendre son unique action inaliénable, insaisissable et incessible par décret présidentiel 98-48 du 11 février 1998.Chakib Khelil est venu plus tard pervertir les objectifs de ce décret pour tenter de déverrouiller le groupe et ouvrir son capital aux entreprise de Dick Cheyney si ce n'est encore une fois une très forte contestation populaire pour contraindre les pouvoirs publics à revenir sur leur décision. Ramener donc la nationalisation à son contexte historique contribuerait sans doute à mieux comprendre sa portée et surtout à situer les responsabilités des uns et des autres face aux affaires de corruption qui gangrènent ce mastodonte de la nation. Quelles sont les circonstances de cette nationalisation ? Quels étaient ses objectifs ? Enfin, ont-ils été atteints ? Qu'en est-il après cette quarantaine d'années ?
Circonstances historiques de la nationalisation des hydrocarbures
La nationalisation n'est pas spécifique à l'Algérie mais elle est apparue avec la prise de conscience de certains pays qui se sont rendu compte de l'exploitation de leurs richesses par les grandes firmes multinationales. En dépit de l'accord algéro-français de 1965, plusieurs contradictions ont été relevées dans le comportement des sociétés exploitantes. Plusieurs mois de négociation ont confirmé la position de la France de refuser l'alignement du pétrole algérien sur le régime fiscal pratiqué par les pays de l'OPEP et de se conformer à un contrôle des gisements par l'Algérie. Plus tard, le général de Gaulle révélera cette stratégie de manœuvres dilatoire dans ses mémoires. C'est donc avec la souveraineté nationale et le libre exercice de disposer de ses richesses qu'il fallait peser les conséquences de la nationalisation du 24 février 1971. Le poids des hydrocarbures dans l'économie nationale est devenu un vrai casse-tête.
L' entreprise Sonatrach et ses tentacules parapétroliers ont été créées par une poignée d'ingénieurs algériens après l'indépendance pour agir au nom de l'Etat dans le secteur des hydrocarbures. Son objectif est d'exploiter les richesses fossiles pour mettre des capitaux à la disposition du développement des autres secteurs qui devront prendre la relève de cette ressource tarissable.
Durant ces cinquante ans d'existence, Sonatrach aurait alimenté les caisses de l'Etat d'un montant de plus de 1000 milliards de dollars, dont 80% durant la période 2000-2013. Le ministre de l'Energie et des Mines estime que rien que le secteur pétrolier aurait absorbé 800 milliards de dollars de la nationalisation à l'arrivée de Bouteflika au pouvoir en 1999. Elle a permis également d'importantes réserves de change : de 56 milliards de dollars en 2005 à plus de 189,750 milliards de dollars à fin juin 2013. Tout cela pour quel résultat ? Même si la démarche économique entreprise après l'indépendance reste historiquement et idéologiquement discutable, il existe une unanimité sur le fait que les changements opérés par les différents gouvernements qui se sont succédé sur le modèle de développement ont échoué. Cet échec a extrêmement fragilisé l'économie nationale et l'a rendue fortement dépendante de facteurs exogènes dont le contrôle échappe complètement aux décideurs. Il s'agit du prix du baril sur lequel on indexe celui du gaz, le cours du dollar, montant de la facture de vente des hydrocarbures et enfin les conditions de pluviométrie qui régulent la facture alimentaire. En 2013, les exportations algériennes hors hydrocarbures ont totalisé 2,18 milliards de dollars, soit 3% de la valeur globale des exportations.
Ce pourcentage tombe à 1,1% si on en retranche celles réalisées par Sonatrach (hydrocarbures) et Fertial (ammoniac). Ce qui est très inquiétant, c'est que malgré leur poids dans le PIB et les recettes extérieures de l'Algérie, les hydrocarbures n'ont pas d'impact sur le fonctionnement de l'économie. En effet, plus le temps passe, plus ce secteur fortement capitalistique consomme la rente qu'il procure. Les investissements du secteur de l'énergie devraient dépasser les 100 milliards de dollars à l'horizon 2017, mais leur impact sur l'économie restera marginal. Ce qui crée un véritable malaise, avec cette impression que le monde des hydrocarbures est totalement non seulement déconnecté du reste de l'économie algérienne, mais éloigne de plus en plus la possibilité de trouver une alternative à cette rente dans des délais raisonnables. En plus, ces dernières années deux événements majeurs viennent aggraver cette situation de l'Algérie, au demeurant inconfortable. Le premier est la consommation interne en gaz pour la production de l'électricité et en carburant pour faire face à un parc automobile incontrôlable et qui ne cesse de croître pour atteindre des proportions inquiétantes, ce qui a contraint Sonatrach à importer plus de 2,3 millons de tonnes à partir de 2011, en hausse de 78% par rapport à 2010 afin de satisfaire le marché national.
Le deuxième est cette révolution du gaz de schiste aux Etats-Unis qui a obligé pour la première fois Sonatrach à baisser le prix de son Sahara Blend de près de 85 cents pour pouvoir le vendre, car le pétrole de schiste a atteint les qualités de légèreté et charge en soufre dont bénéficiait le pétrole algérien sur la côte est des Etats-Unis (10). En Europe, en dépit de la concurrence, elle peut faire valoir ses atouts de proximité, mais sa position demeure otage de deux paramètres qui lui sont propres : sa dépendance des revenus qu'elle tire des exportations des hydrocarbures avec lesquelles elle importe pour près de 80% des besoins de la population et des entreprises. Ensuite elle reste aussi tributaire de sa dépendance de la consommation interne par les volumes de pétrole et de gaz qu'elle devra lui réserver. Sur le court terme, plus elle maîtrise ces deux paramètres, plus elle sera à l'aise pour mettre en œuvre son programme à long terme qu'on examinera plus loin. En ce qui concerne sa mission de formation et de consolidation du savoir et du savoir-faire pétrolier et gazier, Sonatrach voit, impuissante, ses différentes structures se vider de compétences et ses différents investissements dans les centres de recherche et l'Institut algérien du pétrole (IAP) se sont soldés par un échec incontestable. L'IAP par exemple a été sauvé in extremis d'une privatisation par l'actuel ministre de l'Energie.

Situation actuelle et perspectives
Bien que Sonatrach n'ait pas encore balancé sur son site Internet les rapports 2012 et 2013, les chiffres révélés durant la conférence conjointe du ministre de l'Energie et des Mines et le président-directeur général de l'entreprise montrent que l'année 2013 a été fertile en découvertes. Ainsi, 32 nouvelles découvertes ont été opérées en 2013 dont 29 par Sonatrach seule et 3 en association. Le rythme est maintenu depuis 2010 avec 29 dont 2 en association, pour 2011, il y a eu 20 dont 19 par Sonatrach seule, enfin en 2012 avec 31 découvertes dont 13 en association. Pour la première fois depuis le départ de Chakib Khelil, le PDG de Sonatrach a reconnu lors de sa visite en janvier 2014 sur le site de la future raffinerie de Tiaret que «les résultats en termes de production enregistrés durant les années 2000 ne sont que le fruit des investissements opérés durant les années 1990». Il s'agit des contrats de partage de production régis par la loi 86-14. En définitive, depuis la promulgation de cette loi, il y a eu près de 303 découvertes dont 205 par Sonatrach seule et 98 en association. Ces nouvelles découvertes ont permis d'augmenter de 2 milliards de barils les réserves actuelles. Rappelons par ailleurs que la Statistacal Review of World Energy de BP les estime à 12,2 milliards de barils. Quant à celles des gisements gaziers, elles restent de l'ordre de 300 à 400 milliards de m3 qui s'ajouteront aux 4500 milliards de m3.Par ailleurs, la production oscille entre 1,2 et 2 millions de barils par jour, donc en-dessous du quota permis par l'OPEP qui, lui, est de l'ordre de 2,2 millions de barils par jour.
La production de gaz, toutes formes confondues serait de l'ordre de 50 milliards de m3, très loin de l'objectif de 85 milliards promis. Il faut souligner par ailleurs que l'année 2013 a vu les découvertes dépasser les frontières algériennes par l'annonce de 3 en Libye. En plus, la taille n'est plus marginale, mais le 26 octobre dernier, le ministre a annoncé la découverte d'un gisement géant au prolongement du champ de Hassi Messaoud dont les réserves seraient de l'ordre de 1,3 milliard de barils. Auparavant, à la rentrée, il avait déclaré que les réserves d'hydrocarbures pourraient doubler d'ici 10 ans. Donc on peut en déduire que le régime de concession, régi, lui, par la loi controversée de 2005 semble, selon toute vraisemblance, n'attirer aucun investisseur. Ceci explique l'amendement de cette loi en 2013, qui, d'une part, élargit le domaine minier au gaz et pétrole non conventionnel, puis lie, d'autre part, la fiscalité à la rentabilité de l'investisseur. Ainsi, 31 périmètres viennent d'être lancés par Alnaft le 21 décembre dernier dont 17 situés dans le Sud-Ouest, 5 dans la région Nord et le reste dans des bassins du Centre ou de l'Est. Pour la première fois, une dizaine d'entre eux concernent les ressources non conventionnelles. N'ayant pas parlé expressément de «gaz de schiste», il s'agit sans doute de tight gas lui, bien que contenu dans des roches compactes peu perméables, nécessite, certes une fracturation mais dans des conditions moins sévères que le gaz de schiste.
En ce qui concerne les perspectives du marché pétrolier et gazier, il faut souligner au départ que si l'on se réfère aux données du Centre national de l'informatique et des statistiques (CNIS) des Douanes dans ses rapports de 2008 à 2013, on se rendra compte que Sonatrach et à travers elle l'Algérie exporte en volume plus de gaz que de pétrole et cette tendance est confirmée par les investissements dont bénéficie cette branche en amont et en aval. En dépit de l'erreur commise par le PDG de Sonatrach, qui estime les réserves prouvées de gaz à 2 trillions de mètres cubes, alors qu'en réalité elles sont plus de deux fois cette quantité, l' Algérie ne pèse pas lourd sur l'échiquier international. En effet, trois pays : la Russie (35%), l'Iran (15%) et le Qatar (10%), totalisent à eux seuls 60% des réserves mondiales. Le continent asiatique, où la croissance semble se maintenir, est tout prêt du Qatar, qui bradera son gaz pour ne pas laisser l'Algérie pénétrer ce marché et ceci sans tenir compte du gaz de schiste de bonne qualité qui arrive au Japon et bientôt le charbon de l'Australie en Chine, pays très peu soucieux de l'environnement. La Russie a déjà investi dans les conduites North Stream et South Stream, qui seront totalement opérationnelles à partir de 2015. Son retard sur de nombreux projets comme le Galsi rétrécit son champ d'intervention et l'étrangle face à ses contraintes internes.
Par ailleurs, le marché gazier européen est en déprime et le sommet des 27 du 22 mai 2013 a mis en exergue les contraintes qui retardent une politique commune de l'énergie, entre autres, l'exploitation et le développement du gaz de schiste. Bien qu'ils se soient engagés à donner plus de poids dans leur bouquet énergétique aux énergies renouvelables d'ici 2020, des pressions politiques poussent à limiter les coûts, notamment de l'énergie éolienne et du charbon. Revenir à redémarrer les centrales à charbon pour produire de l'électricité reviendrait à obliger le consommateur à payer plus cher sa facture d'électricité, ce qui enflammerait le climat social. En effet, la production d'un mégawatt/h d'électricité dans une centrale à gaz dégage 0,38 t de CO2 contre 0,99 t dans une centrale à charbon. Si l'on estime un prix d'émission de 25 euros/t, on s'approchera du prix de 15 euros le mégawatt/heure qu'il faudra ajouter dans la facture du citoyen européen. Connaissant les difficultés de l'hiver dernier, est-ce qu'il pourra la supporter ? Donc la bonne nouvelle pour l'Algérie c'est que le gaz continue d'avoir un avenir en Europe dont de nombreux membres sont hostiles au gaz russe malgré les investissements consentis. C'est pour cela qu'il faudrait s'accrocher pour aboutir à un accord à long terme avec la communauté européenne quitte à faire des concessions sur le prix.
Y aurait-il des alternatives aux hydrocarbures face à une telle situation ?

Sans rentrer dans les détails et en se limitant uniquement aux documents officiels fournis par le gouvernement en place, on peut déduire que pratiquement tous les secteurs de l'économie nationale sont demandeurs en perspective de capitaux sans aucun espoir de retour aux investissements ni sur le court ni sur le moyen et encore moins sur le long terme. Le secteur du bâtiment veut arriver à un million de logements, celui de l'éducation, au sens large du terme, doit faire face aux 900 000 Algériens qui viennent chaque année. Le secteur industriel engloutit annuellement des sommes considérables sans pouvoir se relever de sa chute, le tourisme s'effrite, plus de 200 000 demandes d'emploi de diplômés s'ajoutent à la liste des chômeurs chaque année, le secteur privé fait pression pour avoir accès à la manne financière, alors que l'ONS dans son évaluation relève que sur 957 718 entités recensées, près de 90% sont versées, soit dans le commerce, soit dans les services d'utilité discutable, etc. Donc, en résumé, on constate que même dans des perspectives à long terme, le poids est mis sur les hydrocarbures pour mettre à la disposition du secteur des fonds nécessaires pour les besoins divers et s'autofinancer pour augmenter les réserves en hydrocarbures, voire d'autres sources d'énergie. Seules les orientations du ministère de l'Energie et des Mines semblent, «si elles se réalisent», porteuses de fruits. Il s'agit d'abord d'introduire d'autres formes de production d'électricité que celle produite par le gaz.
Pour rappel, 96% de l'électricité est produite à partir du gaz en Algérie. Sur le moyen terme, il faut poursuivre les efforts d'efficacité énergétique pour limiter le gaspillage et arriver à une certaine vérité des prix pour une certaine catégorie de consommateurs. Ensuite, intensifier les efforts d'investissement pour valoriser les réserves des ressources fossiles, s'attaquer en troisième phase aux énergies renouvelables, enfin aux alentours de 2025, construire carrément une centrale nucléaire.


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