Implanté au cœur de la cité, le parc d'attractions, qui s'étend sur plus de 40 ha, n'est pas beau à voir. La décrépitude des lieux n'a pas, pour autant, découragé les habitants de l'antique Sitifis et des régions limitrophes à faire une virée dans un espace des plus délabrés et dire que cet endroit abandonné à son triste sort est le berceau de plusieurs civilisations. L'incommensurable valeur historique, la position stratégique et le rôle socio-économique et culturel d'un tel site demeurent pour les gestionnaires de la ville, ayant « d'autres priorités », une quantité négligeable. L'espace supposé être un lieu de villégiature est tout cela. Une partie des Sétifiens l'utilise comme chemin de passage, car il relie les parties nord et sud de l'agglomération. Mitoyenne avec l'hôtel El Hidhab, le musée national, la maison de la culture, l'annexe de l'école des beaux-arts et l'imposant building El Ali, la Citadelle n'est qu'un champ de patates, boueux l'hiver et poussiéreux l'été. La verdure, l'eau potable et l'éclairage public sont inscrits aux abonnés absents. Faute de poubelles et d'entretien, de nombreux endroits de ce patrimoine se sont transformés en dépotoirs. L'immobilisme de la commune propriétaire de cette mine d'or, laissée-pour-compte, est la cause de tous les malheurs de la Citadelle, se trouvant pourtant à 50 m de l'hôtel de ville miné par les querelles internes « infectant » de facto les affaires des électeurs. Sous d'autres cieux, cet espace, qui reçoit en période estivale quotidiennement 5000 visiteurs, est le générateur d'une très importante recette de la collectivité, qui ne fait aucun effort pour rectifier le tir. Le lifting réalisé en 2001 (voir El Watan du 6 novembre 2001 n° 3321), pour lequel un grand pactole du contribuable a été injecté, n'a été, au bout du compte, qu'un feu de paille. La structure replonge dans les abîmes et renoue donc avec la laideur. A longueur de journée, ce site est squatté par ses habituels « clients » ; prostitués des deux sexes, dragueurs et voyeurs lubriques qui passent leur temps à attendre leur proie. Les abris, les bancs, des taxiphones font défaut à un parc « colonisé » par une centaine de baraques de vendeurs de vêtements made in, dévalorisant ainsi un monument classé. Le lac, qui faisait la joie des visiteurs, est devenu un véritable marécage envasé. Personne ne sera étonné, si un jour on y trouverait quelques alligator. La qualité des services des autres boutiques laisse à désirer. Mieux encore, les promesses faites par le délégué communal en charge de l'espace, Saou Smati, en novembre 2005 (voir El Watan du 20 novembre 2005 n° 4564), sont restées au stade des bonnes intentions. La vaste opération de réhabilitation, nécessitant une enveloppe de 150 millions de dinars, observe encore et toujours... un temps mort. Hormis, l'installation d'un poste de police, rien de concret n'a été, depuis, réalisé. « On ne revitalise pas le poumon de la cité avec uniquement de la parlotte », dira non sans colère Nacer, un défenseur invétéré de l'environnement.Les architectes-chercheurs Abderahmene Diafat et Saïd Madani, de l'université de Sétif, ont tiré la sonnette d'alarme, lors de la journée d'étude relative à la protection de l'environnement, organisée dernièrement par l'APW. L'exposé de ces deux urbanistes est appuyé par des photos, illustrant parfaitement l'ampleur des dégâts, enfantés par l'incivisme des uns et la « démission » des autres. Les universitaires ne se sont pas arrêtés au constat et ont soumis des propositions devant revitaliser le cœur de Aïn El Fouara, « balafré ». N'ayant pas d'autres opportunités, les enfants continuent de fréquenter l'endroit « meublé » par des manèges d'un temps révolu. La durée du bail de location freine M. Mendil, le patron d'Attractions du Maghreb (ADM) qui renfloue les caisses de la commune de 5,5 millions de dinars. « Avec un contrat de location de 23 mois, il est impossible d'investir. ADM est sur le point d'introduire cinq nouveaux manèges, nécessitant une enveloppe de 100 millions de dinars. Afin d'amortir un tel investissement, on a sollicité l'APC pour un bail de dix ans. Sa réponse tarde à venir. D'autant que notre contrat expire à la fin du mois courant... », dira le gérant des manèges, dont certains « s'essoufflent ». Les conflits, qui mettent à mal depuis longtemps le bon fonctionnement de la municipalité, se sont répercutés négativement sur le parc qui attend une main salvatrice. Le relookage promis pour mai 2006 est une fois de plus renvoyé aux calendes grecques. La transformation de ces champs envahis par les mauvaises herbes en Sitifis land attendra tant que les pouvoirs publics ne s'impliqueront pas, pour d'une part démasquer l'inaction des élus et réhabiliter de l'autre un site érigé, faut-il le rappeler, sur un pan de l'histoire de l'antique Sitifis...