Plus de 200 000 étudiants n'ont pas encore passé leurs examens de fin d'année. La situation est très préoccupante et tend beaucoup plus vers le pourrissement que l'apaisement. L'instabilité dans les campus remonte plus exactement au 13 mai 2006, date retenue par le Conseil national des enseignants du supérieur (CNES), un syndicat autonome, pour entamer un mouvement de débrayage très large et illimité. La grève, qui dure jusqu'à ce jour, a paralysé plusieurs instituts et universités. Des grèves cycliques ont été déclenchées auparavant par ce même syndicat. Toutefois, lors du forum organisé par l'ENTV, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, M. Harraoubia, a soutenu que seules six universités sont perturbées par le mouvement de protestation. Le premier responsable du secteur s'est déclaré serein et confiant. Il a minimisé la situation en estimant que les enseignants ont de tout temps fait preuve de sagesse et de responsabilité. Cependant, le discours tenu par le responsable de tutelle n'a pas été apprécié par les représentants du CNES qui l'ont qualifié de « prestation lamentable ». De leur avis, la seule et unique préoccupation du ministre demeure la « gestion des flux ». Et non la prise en charge des vrais problèmes de l'université. Ils se sont également élevés contre la « désinformation » concernant le nombre d'établissements en grève rapporté par le ministre. A ce propos, les enseignants souhaiteraient avoir un débat contradictoire public avec la tutelle. Aujourd'hui, les membres du CNES ne comptent pas baisser les bras ni abandonner leur combat. M. Ihadadène, membre du syndicat, bat en brèche les propos du ministre en précisant que le mouvement de contestation est suivi à travers l'ensemble du territoire national. « En dépit des tentatives des administrations du rectorat et de la tutelle de casser la grève, celle-ci se porte bien. Dix-neuf établissements universitaires sont actuellement en grève et l'écrasante majorité des examens programmés par l'administration n'ont pas pu se tenir. Nous rejetons les allégations portées par certains recteurs envers notre action », dira notre interlocuteur qui énumère l'ensemble des universités qui sont à l'arrêt que ce soit au niveau de l'est du pays (Jijel, Constantine...), au centre (Alger, Boumerdès, Blida) ou bien à l'ouest (Oran, Sidi Bel Abbès, Mostaganem). A l'université Saâd Dahleb de Blida, les enseignants ont tenu à dénoncer le comportement de l'administration qui est allée jusqu'à envoyer des SMS aux enseignants les menaçant « d'être rayés des effectifs de la Fonction publique ». Cette attitude, selon les membres du CNES, constitue une preuve d'une stratégie liberticide qui n'honore pas l'université algérienne. Les enseignants, qui se sont réunis en assemblée générale à l'université de Blida, regrettent le comportement indigne du recteur fraîchement « parachuté » à la tête de l'université. « Nous regrettons que le nouveau recteur entame sa gestion en tentant de s'imposer par des méthodes révolues. Nous condamnons le fait que les responsables administratifs continuent dans leur zèle », soulignent les membres du CNES qui réitèrent leur position quant à l'annulation des examens qui se sont déroulés dans des conditions non réglementaires. « Des pressions multiples ont été exercées sur les étudiants en sciences économiques. Les agents de sécurité de ces instituts les ont obligés à rentrer en salle. Au département de langues, des surveillances ont été confiées à des femmes de ménage... », s'indignent les enseignants. Par ailleurs, le CNES endosse la responsabilité de tout ce qui se passe dans le secteur de l'université à la tutelle. « La tutelle est responsable du pourrissement, elle s'obstine dans sa position et refuse d'ouvrir le dialogue avec les représentants des enseignants. Les concernés doivent savoir que dans le cas où les examens sont reportés à la prochaine rentrée scolaire, se sera un génocide pédagogique. Si le ministère ne réagit pas dans l'immédiat ce sera trop tard, car demain avec la canicule les étudiants ne pourront jamais examiner », dira M. Ihadadène. Notons, en outre, que le CNES exige la concrétisation de ses revendications socioprofessionnelles. Des revendications portant sur la revalorisation des salaires, l'élaboration d'un statut spécifique de l'enseignant chercheur avec un échéancier précis, la levée de la date butoir (31 décembre 2006), fixée par la tutelle pour la soutenance de la thèse d'Etat. La démocratisation de la gestion de l'université qui doit passer par l'élection des doyens et des chefs de département, dans la perspective de l'élection des présidents d'université. Le CNES demande également l'extinction des poursuites judiciaires contre tous les membres du CNES. Ces derniers déplorent le fait que la tutelle soit indifférente aux doléances des enseignants et refuse l'ouverture du dialogue. « Les représentants du ministère n'ont pas pris attache avec les animateurs du mouvement de grève. Si la tutelle s'entête dans sa démarche, le CNES poursuivra la protestation. La tutelle restera la première responsable des conséquences de la grève sur les étudiants », a affirmé un membre du CNES.