Annoncé en grande pompe depuis plusieurs mois par le ministère de la Culture, le décret n°14-69 relatif à la Sécurité sociale des artistes et des auteurs a enfin été publié dans le Journal officiel le 18 février dernier. Même s'il ne remplace en aucun le «statut de l'artiste», qui lui seul donne une reconnaissance légale à la place des artistes dans la société et qui demeure l'un des droits fondamentaux des forces de création en Algérie, il faut l'avouer, nous avons accueilli favorablement ce décret qui ouvre aux artistes le droit à l'ensemble des prestations de Sécurité sociale au même titre que les travailleurs salariés et dans les mêmes conditions, à quelques exceptions près. Cette Sécurité sociale inclut l'assurance-maladie, l'assurance-maternité, les accidents de travail et des maladies professionnelles, ainsi que l'assurance-décès. Selon le décret, il suffit de payer une seule cotisation dans l'année à hauteur de 12% du montant de la rémunération perçue par un artiste, sans seuil minimum fixé, pour bénéficier des avantages de la Sécurité sociale. Ainsi, il suffit, pour un chanteur qui a touché 1000 DA pour animer un seul gala pendant l'année, de payer 120 DA pour bénéficier de la totalité des avantages de la Sécurité sociale. Le décret ne distingue pas entre un artiste amateur et un artiste professionnel, mais là n'est pas notre problème, en ce sens où c'est aux autorités qui ont travaillé sur le décret de trouver une solution à cela. Ce que nous retiendrons, c'est l'acquis qu'il représente pour les artistes professionnels. Cependant, ce problème n'a pas tardé à rattraper les cadres du ministère de la Culture et celui du Travail qui ont organisé, le 13 février dernier, une journée d'information autour du décret. Dans les conclusions du compte rendu de cette journée, il est mentionné que «le décret ne peut être mis en œuvre d'une manière effective que si les artistes seront en mesure de prouver leur qualité. D'où l'urgence d'établir la carte de l'artiste». Cette conclusion, qui, en passant, revêt un caractère illégal, car elle intègre une conditionnalité dans un texte qui, en principe, entre en vigueur le lendemain du jour de sa publication, démontre l'amateurisme et l'irresponsabilité des concepteurs du décret. Il faut en effet savoir que la «carte de l'artiste» est en soi un chantier complexe qu'il fallait engager avant même la publication de ce décret. Complexe, car il se confronte au problème fondamental de la définition des critères qui détermineront qui est artiste et qui ne l'est pas, un travail gigantesque qui bloque les projets de «statut de l'artiste» dans plusieurs pays en développement. Incapable de définir ces critères depuis sa création il y a plus de deux ans, le Conseil national des arts et lettres risque de bloquer (illégalement) le décret pour rendre la Sécurité sociale des artistes une mauvaise blague plus qu'autre chose.