La nomination de l'ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia, au poste de directeur de cabinet à la présidence de la République avec rang de ministre d'Etat n'en finit pas d'être abondamment commentée par la classe politique et, d'une manière générale, par l'opinion nationale. De la même façon, ce retour aux affaires de Ouyahia pressenti, selon certains analystes, pour jouer des rôles-clés avant et après l'échéance électorale présidentielle du 17 avril, a complètement dérouté les observateurs étrangers et les partenaires de l'Algérie. Ces derniers, qui ont peine à se faire une analyse précise de la situation politique du pays à la veille de ce scrutin, tentent de décrypter le message pourtant clair comme l'eau de roche véhiculé par le rappel de cet invité surprise. Depuis son limogeage du gouvernement, suivi quelques courts mois plus tard, par son départ, consenti ou forcé, de la tête de son parti, le Rassemblement national démocratique (RND), Ouyahia a rongé son frein en silence. Il s'est abstenu de tout commentaire de nature à gêner le président Bouteflika et son entourage en dépit de la manière peu élégante avec laquelle il fut pourtant éconduit. Réagissant telle une victime atteinte du syndrome de Stockholm, il n'a, en cela, étonné personne en exprimant sans fioriture son soutien indéfectible au président Bouteflika après son départ du gouvernement. Ceci, avant qu'il ne se ravise brutalement et avec fracas quelque temps plus tard en lançant ce gros pavé dans la mare de Bouteflika, qualifiant de scénario catastrophe un 4e mandat du chef de l'Etat et l'échec de son gouvernement est un échec collectif impliquant de manière insidieuse la gouvernance de Bouteflika dans son ensemble. Beaucoup avait alors conclu à une rupture consommée entre l'ancien chef de gouvernement et Bouteflika à la suite de cette déclaration qui ne ressemble vraiment pas à Ouyahia. Lequel a la réputation de ne pas être homme à insulter de manière abrupte et imprudente l'avenir, lui qui a toujours réussi à surfer superbement sur toutes les vagues, même en période de mauvais temps. On attendait alors presque naturellement à ce que Ouyahia revienne au devant de la scène avec l'appui de certains cercles influents du pouvoir pour rencontrer son «destin» à l'occasion de cette échéance électorale. Il a bluffé tout son monde en faisant le mort alors que d'autres personnalités du sérail chauffaient à cor et à cri les rédactions et alimentaient la chronique politique et électorale. Au premier coup de téléphone, il décroche pour dire oui à Bouteflika pour servir dans son cabinet. Il crée ainsi un précédent dans les mœurs politiques du pays. En ce sens, hormis Ghozali qui avait accepté un poste d'ambassadeur après son départ du gouvernement, aucun autre chef de gouvernement n'a enfreint cette loi du genre chez nous qui veut que quand on part du gouvernement, c'est un aller sans retour. Ouyahia, qui a cette qualité d'être patient pour arriver à ses fins, ne s'embarrasse pas d'emprunter les escaliers de service pour reprendre pied au palais d'El Mouradia qu'il a déjà fréquenté sous la présidence de Liamine Zeroual. De son poste de directeur de cabinet de la Présidence, où il aura à surveiller et gérer la salle de trafic de la mise en œuvre de la feuille de route politique de l'après-17 avril, il entend bien en faire un tremplin pour se faire introniser calife à la place du calife. Une fois le poste laissé vacant par Bouteflika. Les ambitions politiques de l'un et l'autre ont permis aux deux hommes de se réconcilier face à l'adversité partagée pour sauver le système dont Ouyahia est aussi partie intégrante. Il faut d'ailleurs reconnaître à ce dernier ce courage politique de revendiquer la co- responsabilité du bilan du programme présidentiel pour avoir dirigé à deux reprises le gouvernement sous l'ère Bouteflika. Par conséquent en acceptant de reprendre du service auprès de son ancien employeur dans cette conjoncture précise, Ouyahia cherche, d'une certaine manière, à assurer d'abord sa propre défense en convainquant les Algériens que son gouvernement n'a pas échoué et que le bilan de Bouteflika est parsemé de réalisations et d'acquis pour le peuple algérien. Tout le contraire de ce qu'il soutenait il y a peu, après son départ du gouvernement. Le retour d'Ouyahia s'apparente pour beaucoup à la réquisition d'un avocat commis d'office par le système pour plaider la candidature de Bouteflika pour un 4e mandat. Et plus si affinités, après le 17 avril.