Ahmed Ouyahia saura-t-il réaliser en dix mois ce qu'il n'a pas pu faire en trois ans ? L'homme a déjà géré le gouvernement entre 2003 et 2006 et avait eu à organiser l'élection présidentielle avant d'être remercié par Abdelaziz Bouteflika. A l'époque, aucune explication n'avait été donnée à ce limogeage. Fidèle à des règles disciplinaires internes au pouvoir, Ahmed Ouyahia n'a rien dit sur sa mise à l'écart. Même cette humiliation publique ne l'a pas « encouragé » pour suggérer une piste sur les raisons de son départ du Palais du gouvernement. Les hommes politiques algériens n'écrivent pas des livres ou des récits pour clarifier à l'opinion publique leurs positions, leurs déceptions et leurs idées. Ils se taisent en attendant le retour du train. Leur silence creuse davantage la crise de confiance avec la population. L'entourage du président Bouteflika avait fait circuler l'idée que Ahmed Ouyahia a échoué dans sa mission en 2006. L'ampleur de l'échec n'avait pas été précisée. Cela n'avait aucunement empêché le chef du RND de démentir ses prédécesseurs Ali Benflis et Ahmed Benbitour qui avaient accusé le chef de l'Etat de concentrer trop de pouvoirs entre ses mains. « Il se dit un peu partout que le chef du gouvernement ne peut travailler en Algérie. Je peux témoigner que ces propos sont dénués de tout fondement. Le nombre de dossiers traités durant cette période est là pour le prouver », avait-il déclaré à la revue française Jeune-Afrique en 2004. Si Ahmed Ouyahia avait bien « traité » les dossiers pourquoi avait-il été éconduit sans que le Palais El Mouradia ne lui rende un seul hommage ? Voilà que la même charge d'échec – même si elle n'est pas dite – rattrape Abdelaziz Belkhadem deux ans après. Personne ni au FLN ni dans les cercles de la décision n'aura ce souci d'expliquer à l'opinion nationale les raisons du désaveu du chef du gouvernement sortant. Belkhadem, dans les rouages du pouvoir depuis longtemps, n'aura pas le courage de Ahmed Benbitour et dire tout ce qu'il pense de la gestion de celui qu'il a nommé et écarté. Ahmed Ouyahia aura assurément une grande fierté de rencontrer ce week-end les congressistes du RND et parler à voix haute. Il n'aura pas de mots pour dire qu'avec Abdelaziz Bouteflika le contrat de confiance avait été rompu en 2006. Par quel miracle ce contrat a été « rétabli » en 2008 ? « Le facteur temps est plus déterminant » Non, personne au sein du RND ne dira à Ouyahia qu'il gère le parti depuis longtemps et qu'il devra céder sa place à d'autres responsables. Comme l'alternance au pouvoir n'est pas une culture au sein des partis dits de l'Alliance présidentielle, M. Ouyahia sera « plébiscité » secrétaire général du RND pour un autre mandat. Il y a peu de chance que l'homme accepte de partir de son propre gré puisqu'il dit oui sans résistance aux offres que lui fait le président de la République : ministre de la Justice, chef du gouvernement, représentant personnel... La dignité de dire non n'est pas inscrite dans les gènes du sérail algérien. Question essentielle : que peut faire Ahmed Ouyahia en dix mois ? La réponse coule de source : rien ou peu de choses ! Et, c'est lui-même qui l'avait suggéré dans le même entretien à Jeune-Afrique : « Le suffrage universel est sollicité trois fois par quinquennat. Si chaque consultation électorale coûte six mois de paralysie économique, cela revient à dire que dix-huit mois sur les soixante que compte un mandat présidentiel sont sacrifiés. Nous n'avons pas honte de dire que nous sommes un pays en développement, voire sous-développé dans certains secteurs. Le facteur temps est encore plus déterminant que les ressources financières. » Selon cette logique, l'actuel gouvernement aura à préparer l'élection présidentielle à partir d'octobre pendant six mois. Que reste-t-il alors comme temps pour s'occuper des problèmes réels des Algériens (crise de logement, chômage, coupure d'eau, hausse des prix) ? L'été et le Ramadhan (qui commence début septembre). Est-il sérieux de travailler en été quand tout le monde est en vacances ? Et si l'on ajoute l'hypothèse de la tenue d'un référendum sur la révision constitutionnelle, les choses deviennent tout simplement ingérables. Le défi est là. L'ancien directeur de cabinet à la présidence de la République aura plus à expédier des affaires courantes et à essayer de remporter la course contre la montre qu'à se concentrer sur les difficultés que connaît l'économie du pays. En un mot : Ouyahia est tombé dans un joli piège ! Difficile de parier sur l'épaisseur de sa crédibilité fin avril 2009...