Jamais le contexte d'une élection présidentielle n'aura été chargé d'autant d'incertitudes. La crainte de voir la vallée du M'zab s'embraser, suite aux actes de violence que connaît la ville de Ghardaïa, alors que la population des Aurès est en colère après la blague déplacée de Abdelmalek Sellal sur les «Chaouis» qui fait le «buzz» sur internet et que les Touaregs de l'Ahaggar, dénonçant l'exclusion dont ils sont l'objet, appellent à une journée de protestation le 22 mars… Comment ne pas rappeler aussi, ce «sit-in» certes tout à fait symbolique, mais non moins significatif des femmes de la région d'Adrar le 8 mars, à l'occasion de la Journée internationale des droits de la femme, pour protester contre la marginalisation qui frappe durement cette catégorie de la population aussi bien en matière de santé et de protection maternelle et infantile que pour ce qui est de leur accession à l'emploi ou la scolarité des filles. Toutes ces manifestations, prenant une tournure violente ou non, sont la preuve de l'incapacité de ce pouvoir autoritaire à apporter une réponse autre que celle de la violence, y compris verbale, aux préoccupations des citoyens et aux populations de régions entières. Dans le meilleur des cas, une réponse après coup, souvent trop tard et trop peu. La vallée du M'zab vit une situation tendue depuis cinq ou six ans, qui n'est pas sans rappeler celle qu'ont vécue les Algériens au début des années 2000 et du premier mandat de Abdelaziz Bouteflika. C'est dire que rien n'a été réglé depuis, alors que ses partisans pour un 4e mandat ont engagé tous leurs moyens – et surtout ceux de l'Etat – pour un passage en force, tout en criant à la conspiration derrière laquelle se profilerait la main de l'étranger qui agiterait ces mouvements de contestation. C'est vrai qu'il est plus facile pour le pouvoir et ses thuriféraires de brandir cette «menace de l'ennemi extérieur et de ses relais internes» que de dresser son propre constat d'échec et donc par la même son incapacité à apporter des réponses aux préoccupations et aux interrogations, y compris les plus banales, comme celle qui consiste à savoir si le président sortant et candidat à sa propre succession, au demeurant fortement diminué par son dernier accident vasculaire cérébral, serait en mesure d'assurer les fonctions de chef de l'Etat dans le cas d'un 4e mandat. Là aussi, il n'y a qu'à voir la réponse de l'actuel directeur de cabinet du président de la République ou encore celle du Premier ministre et du directeur de campagne de Abdelaziz Bouteflika et autres ministres zélés pour se rendre compte, avec quelle violence, combien cette question est considérée comme mal à propos, voire inutile par les tenants du «système». C'est dire le mépris dans lequel on tient les Algériens depuis des décennies pour ne pas dire plus. Cette élection présidentielle, comme celles qui l'ont précédée, ne changera pas grand-chose, à moins d'un improbable renversement de situation. Dans ce contexte d'unanimisme recherché par le système, où l'on s'efforce d'entretenir la peur du changement, un seul pas sépare l'autoritarisme de la dictature que certains sont tentés de franchir. Le risque est là de voir s'acheminer vers une «démocrature», un système autoritaire poussé à l'extrême où les quelques «attributs» démocratiques cacheraient mal la nature du pouvoir. Tout en servant quelque part d'alibis et à donner une image «soft», aussi bien au plan interne qu'à l'étranger. Et ce, d'autant que de l'extérieur, peu de signes montrent une quelconque préoccupation vis-à-vis de la manière avec laquelle les choses évoluent en Algérie, ce qui pourrait conforter les partisans de la «manière forte» dans leur démarche.