«L'effondrement d'une partie de gradin d'une des tribunes supérieures du stade du 5 juillet ayant entraîné une chute mortelle de deux spectateurs est un exemple dramatique sur la nécessité de prévenir ces risques urbanistiques». Le développement économique et la croissance démographique dans notre pays prennent de vitesse nos planificateurs. Les dégradations avec désordres apparents sur les constructions dans chacune de nos villes et agglomérations sont aussi nombreuses qu'inquiétantes». Ce constat de Nacer Takorabet, maître d'œuvre expert en grands projets, titulaire d'un doctorat à l'EC Paris, pose, on ne peut mieux, le problème de l'absence d'une «culture technique de surveillance et d'auscultation des ouvrages en service». Dans un mémoire à adresser aux autorités compétentes, M. Takorabet attirera l'attention des spécialistes sur les risques civils et urbains dans la wilaya de Béjaïa. «Même si le risque zéro n'existe qu'en théorie, il y a lieu d'œuvrer pour réduire au strict minimum les accidents et les sinistres. Les grands édifices publics, les infrastructures sportives, les ouvrages hydrauliques, les appareils de levage et les ponts et chaussées nécessitent des inspections périodiques visuelles avec ou sans instrumentation», fait-il remarquer. Notre interlocuteur affirme avoir signalé aux services techniques, en 2002, deux anomalies localisées au chef-lieu de wilaya : déformation en rebonds de l'esplanade de la Place Gueydon avec fissure verticale légèrement inclinée en tête d'une colonne d'un des immeubles d'une part et fissurations des murs de l'ancien tribunal de Béjaïa, d'autre part. Si une partie de l'ancien tribunal a fini par s'effondrer, la place Gueydon tiendra-t-elle le coup, à long terme, sans réparation des dégradations signalées ? «Aujourd'hui, d'importantes fissures sur les corniches en tête d'un poteau et des épaufrures d'origine accidentelle en son pied sont visibles à l'œil nu. Si ces fissures s'avèrent profondes jusqu'à atteindre le cœur de cette colonne porteuse, cette dernière entraînerait, en cas de rupture, une bonne partie de l'immeuble. La mise à nue du poteau est à faire au plus vite pour lever le doute ou lancer des travaux de confortement», précise-t-il. Rebaptisée place du 1er novembre, la place Gueydon est le site de ralliement de tous les touristes de passage à Béjaïa. Sa valeur architecturale, culturelle et touristique est telle que toute menace aussi infime soit-elle est à prendre, à temps, au sérieux. D'autres bâtisses du vieux bâti menacent aussi ruine si rien n'est entrepris dans les meilleurs délais, affirme par ailleurs M. Takorabet. «La façade donnant sur la rue Abdelakader Idjraoui, face à la mer, est la plus alarmante. Celle-ci présente une dégradation de phase finale de bout en bout de la rue !! Il n'y a plus rien à sauver, des chutes de balcons, de murs soutenus avec des planches, et des effondrements de bâtisse complète peuvent se produire d'un moment à l'autre ! Une démolition immédiate est fortement recommandée pour éviter une catastrophe due à la négligence humaine», avertit-il. Quand à l'ancien tribunal, il ajoutera que des mesures conservatoires sont à prendre pour sauvegarder le reste de ce monument historique. «Envisage-t-on de le remettre en l'état ? Est-il définitivement perdu ? Le laissera-t-on terminer sa chute ? Faute de périmètre de sécurité et de dispositif de maintien de l'équilibre de l'édifice, les riverains et passants qui circulent librement ne sont guère à l'abri du danger d'autant plus que cet endroit sinistré et menaçant est devenu, par opportunisme du citoyen, un parking !», prévient l'expert. Il enchaînera en expliquant que la proximité de la mer rend l'atmosphère agressive et préjudiciable pour les constructions et des amorces de corrosion de profilés métalliques, suivis d'éclatements ponctuels du mortier de revêtement, sont visibles sur les façades. Il estime, par conséquent, nécessaire de réparer pour sécuriser les éléments vulnérables (édifices et personnes) au lieu de colmater les désordres et dissimuler le danger en procédant à l'inspection de l'ensemble de l'enveloppe des bâtiments et de leur intérieur. Dans sa mise en garde, l'auteur n'a pas manqué aussi de signaler la non-conformité aux règles parasismiques du quai agroalimentaire de Béjaïa et l'affaissement du trottoir à proximité du Théâtre régional avec rupture de quelques tubes des garde-corps métalliques. «L'effondrement localisé d'une partie de gradin d'une des tribunes supérieures du stade du 5 juillet ayant entraîné une chute mortelle de deux spectateurs est un exemple dramatique sur la nécessité de prévenir ces risques urbanistiques», ajoutera notre interlocuteur. Nombre d'immeubles, pour certains de charme et de prestige, sont donc à préserver des aléas humains, sismiques, du vieillissement, de l'agression atmosphériques et des évolutions hydrologiques et géologiques. «La vétusté doit être freinée par des rénovations adaptées et planifiées pour prolonger la durée de vie de ces joyaux architecturaux», assure l'expert en grands projets.