Suite aux récentes intempéries, dix familles habitant au 86, rue Mohamed-Belouizdad tirent la sonnette d'alarme quant à l'état de dégradation avancée de leur immeuble. L'entrée du bâtiment porte encore les sigles et autres décorations rappelant l'ère coloniale. Le charme de cette devanture est en parfaite harmonie avec celui des arcades édifiées il y a de cela plus d'un siècle. Cela, toutefois, cache mal ce qui s'y trouve. “Toi qui brille de ton aspect extérieur, quel est ton for intérieur ?”, dit le proverbe. Une fois l'accès vers l'immeuble entamé, les débris de pierres, de ciment et de plâtre jaillissent à brûle pourpoint en direction du regard. Les barreaux, qui ornaient les escaliers et servaient de support aux habitants et aux invités, ont tout simplement disparu. Les marches menant vers les appartements demeurent ainsi dépourvues de leur soutien de toujours… Il y a réellement péril en la demeure ! Car, il ne faut pas oublier, ce sont ces mêmes escaliers qu'utilisent les enfants en allant et en revenant de l'école. C'est sur elles qu'harponnent également, dans le noir absolu, les adultes au revenir de la prière des taraouih. Les tiges en fer ont été arrachées par les éclats de la verrerie qui, dans les années fastes, offrait lumière et filtrait les rayons du soleil pour procurer bonheur et plaisir aux habitants, mais elle n'a pu résister aux fortes secousses du dernier séisme du 21 mai 2003. Les locataires refusent la démolition Les fractions et la chute de pierres ont brisé les barres en fer lors des secousses telluriques. Tout ce magma de détritus et ce cimetière à ciment et à ferraille constituent un véritable paradis pour les rats et autres bestioles. Depuis ce triste jour, rien n'y fit. Le 5e étage a été le plus touché par le tremblement de terre. Sur les trois logements atteints au niveau de ce palier, l'un est complètement détérioré. Il n'en reste que la dalle avec son carrelage. L'un des mûrs porteurs a subi une fissure importante. Ce qui a poussé les locataires à le cimenter avec leurs propres moyens. Ils craignent un écroulement que causeraient les infiltrations des eaux pluviales. Un premier rapport d'expertise a ordonné la démolition de l'immeuble. Cette expertise a été aussitôt remise en cause par une autre étude entreprise par les experts de la wilaya d'Alger. Dans leur fiche d'évaluation des dommages causés par le séisme, ils ont souligné un effondrement d'un mur au 5e étage et une destruction de la toiture de la terrasse avec une ouverture en toile. La cage d'escalier est, selon le document, instable alors que sur la droite des ouvertures, un mur porteur est fissuré. Les balcons sont aussi fissurés, relève-t-on encore dans le même rapport. Par conséquent, ce R+5 a été classé orange 4. Les experts de la wilaya d'Alger ont proposé en toute urgence l'étayage provisoire de l'escalier et la protection de l'immeuble des infiltrations des eaux pluviales. L'immeuble nécessite des travaux de renforcement dans les meilleurs délais afin d'éviter d'autres dégradations. Forts de ce rapport, les locataires ne veulent point abandonner leurs logements ; ils y vivent toujours et demandent aux autorités juste la rénovation des parties touchées. “Notre immeuble est stable et la démolition est loin d'être l'ultime solution”, affirment-ils. “Si je me sens en danger, resterai-je dans mon appartement ?” avoue M. Mohamed. “On n'aurait pas couru le risque d'y rester”, argue son voisin. Les locataires, qui disposent d'un acte notarié de copropriété, revendiquent une réparation de la terrasse, de la cage d'escalier et les quelques fissures des appartements du 4e étage. Les promesses des services concernés de la wilaya n'ont, selon eux, pas été tenues à ce jour. Quel sort sera ainsi réservé à cet immeuble édifié par un éminent architecte français au début des années 1900 sur l'une des rues les plus en vue de la capitale ? Smaïl, directeur du logement à la wilaya d'Alger, soutient que l'immeuble en question a été classé par des experts du CTC et autres canadiens rouge, c'est-à-dire à démolir. Néanmoins, les commerçants et des locataires ont présenté une contre-expertise proposant une possibilité de réhabilitation. Ils ne tiennent pas compte, selon M. Smaïl, du coût que nécessiterait une telle opération. “Nous pouvons dépenser des milliards de centimes sur un immeuble pour peu que celui-ci soit d'une grande valeur. Or, le n°86 n'en est pas un”, indiquera ce responsable. Celui-ci attend les conclusions du rapport de l'Ofares (office de restructuration) à qui le wali a confié la tâche d'évaluer d'une manière plus approfondie et définitive ce bâtiment. Sur les 15 familles habitant l'immeuble, 5 d'entre elles ont rejoint les logements et les chalets que la wilaya leur a proposés. Les 10 autres, cependant, ont préféré y rester. Par conséquent, la wilaya décline, avertit M. Smaïl, toute responsabilité sur les conséquences qui en découleraient d'un éventuel écroulement. B. K.