Qui a tiré ? La question ne se rapporte pas aux derniers drames renouvelés de Ghardaïa mais aux propos d'un vieil homme de 86 ans, probablement fatigué d'exister. En annonçant 57 ans après la Bataille d'Alger que Larbi Ben M'hidi n'a «jamais tiré un seul coup de feu», Yacef Saâdi, qui a succédé à Ben M'hidi à la mort de ce dernier en tant que responsable de la Zone autonome d'Alger, est aujourd'hui multimilliardaire et n'en est pas à sa première balle. Dans sa dernière rafale, il a aussi attaqué Ourida Meddad et quelque temps avant il avait tiré sur Zohra Drif avec des balles à blanc puisqu'il s'était excusé juste après, ce qui est un peu léger pour un homme qui a affronté les parachutistes du général Massu. Mais finalement qui a tiré ? Le président Bouteflika, qui utilise souvent son passé de moudjahid pour asseoir son pouvoir ? Son mentor Houari Boumediène, plus connu pour avoir fait tirer sur ses compatriotes opposants ? Abdelkader Bensalah, président du Sénat et qui vient de menacer les opposants au 4e mandat ? Qui a réellement pris les armes et qui n'a fait que les effleurer ? Dans ce débat piégé entre les véritables soldats et les faussaires de l'histoire, chacun possède sa version et ses munitions, la question de savoir pourquoi Yacef Saâdi ne s'attaque jamais aux vrais-faux moudjahidine au pouvoir ne se posant pas. Entre balles réelles ou fictives, que faire de Yacef Saâdi ? Rien ! Comme son président, la biologie aura raison de lui et les histoires, secrets et compromis, seront enterrées avec lui au grand cimetière des certitudes d'El Alia. Oui, mais qui a tiré ? En réalité, seuls ceux qui se sont fait tirer dessus peuvent le dire.